Tri de bétail : une tradition équestre sur tous les continents
De l’Islande aux
États-Unis en passant par la Camargue, « îlot » privilégié de l’équitation de
travail en France, de nombreux peuples cavaliers perpétuent une magnifique tradition : le tri de bétail
à cheval…
Le cheval de travail, compagnon des peuples cavaliers
En dépit des progrès techniques et de la motorisation, les
peuples cavaliers sont encore nombreux à utiliser le cheval pour déplacer,
convoyer, séparer, trier… les différents animaux de leur cheptel.
Ce peut être
en Islande, où les éleveurs déplacent notamment leurs troupeaux de moutons à
cheval (photo édito), ou encore en Argentine, en Italie, en Espagne, aux
États-Unis… Et bien sûr en France, notamment en Camargue où les vaches et les taureaux,
élevés en extensif dans d’immenses territoires, sont aujourd’hui encore
manipulés exclusivement à cheval.
Cette tradition du tri de bétail, chère aux cavaliers
voyageurs du monde entier, renvoie à la fonction première du cheval : le
travail ! Et ce même s’il est aussi devenu, notamment à partir de la seconde
moitié du XXème siècle, un compagnon de sport et de loisir.
Des épreuves d'équitation de travail
Aujourd’hui comme par le passé, sur tous les continents et
même dans les pays industrialisés, le cheval reste donc le plus fidèle
auxiliaire de travail qui soit. Un « outil » précieux et
irremplaçable pour les cavaliers de différentes cultures équestres – qu’ils
soient cowboys, vaqueros, gauchos, gardians…
Et c’est précisément pour remettre à l’honneur cette
fonction première du cheval, et perpétuer les traditions, que l’équitation de
travail a acquis ses lettres de noblesse. Petit à petit, des écoles se sont
montées, des cours et stages ont été mis en place… et de façon très officielle,
de nombreuses épreuves spécifiques ont été créées. Avec, à la clé, des diplômes
et des championnats validés par les instances officielles.
Disciplines western "de bétail"
C’est le cas, par exemple, pour l’équitation western dont
les disciplines dites « de bétail » ont aujourd’hui le vent en
poupe ! Cutting, team penning, ranch sorting, working cow horse… Ces
différentes disciplines, à la fois spectaculaires, ludiques et très fines en
termes de dressage du cheval, permettent aux cavaliers de pratiquer une
équitation de travail authentique, au plus près des utilisations ancestrales
des cowboys et ranchers.
En effet, il ne faut pas oublier que l’équitation western
est issue du travail dans les ranches Américains au XIXe siècle, qui consistait
à convoyer, surveiller et trier le bétail de manière rationnelle et rapide.
Un dressage spécifique
De ce travail est né un dressage spécifique qui recherche
l’économie physique et psychique optimale du cheval, afin de le rendre
disponible pour des actions rapides et précises. C’est dans le but d’affiner ce dressage qu’ont été instaurées
plusieurs classes (épreuves), régies selon des lois bien précises et dont
l’ensemble définit ce qu’est de nos jours l’équitation western « académique »,
aussi bien aux Etats-Unis, qu’au Canada et en Europe.Les disciplines de tri de bétail les plus populaires sont le
cutting, le team penning et plus récemment le working cow horse – cf. nos
articles sur Antoine Cloux et Marie Mura sur le blog.
Le cutting
Le cutting est une épreuve permettant d’évaluer les
aptitudes du cheval au tri du bétail. L’épreuve se déroule dans une carrière :
un veau est calmement isolé du troupeau. Le travail du cheval, sur lequel il
est évalué, consiste à empêcher ce veau de rejoindre le troupeau. Le cheval
doit agir de sa propre initiative, le cavalier ne touchant pas au mors.
Le team penning
Cette épreuve de tri du bétail regroupe des équipes de 3
cavaliers. L’équipe doit extraire 3 veaux identifiés d’un troupeau, et les
regrouper dans un enclos. Cette épreuve est chronométrée et très rapide : elle est
parfois être réalisée en moins de 30 secondes !
Le working cow
Le working cow permet de démontrer les aptitudes du cheval
au travail de ranch. Cette discipline se compose d’une épreuve de reining et
d’une épreuve de travail du bétail. Les qualités du cheval son ainsi évaluées :
sens du bétail, dressage, disponibilité, vitesse, etc.
Où pratiquer le tri de bétail ?
Vous avez envie de pratiquer le tri de bétail en France,
mais vous n’êtes pas attiré par la culture américaine et l’équitation
western ? Pas de souci ! Inutile d’aller chercher à l’étranger ce qui
existe en France, et plus précisément dans le sud, vers le delta du
Rhone : nous voulons parler de la Camargue, bien sûr, riche d’une longue
tradition équestre d’équitation de travail et de tri de bétail à cheval.
Pour le Mag des Cavaliers Voyageurs, nous avons interrogé
Odile Jover : née à Arles, Odile est passionnée de tri de bétail, une
discipline qu’elle pratique en Camargue avec François, son mari, ancien gardian
professionnel, et leurs filles Léa, 15 ans et Naïs, 10 ans.
La Camargue, un terroir riche de traditions équestres
Odile a découvert le tri de bétail à 16 ans, « à une époque
où il n’existait pas de cours spécifiques pour apprendre la monte Camargue, et
où les cavalières étaient moins présentes en nombre qu’actuellement ». Elle
répond à nos questions sur cette passion familiale ancrée dans un territoire
riche d’une identité équestre affirmée - mise à l’honneur chaque année en
Avignon, lors du salon Cheval Passion :
Cheval
d’Aventure : Qu’avez-vous aimé d’emblée, si jeune, dans le tri de bétail à
cheval ?
Odile Jover
: La liberté… Être dans les grands espaces ! A la manade Yonnet, aux
Salins-de-Giraud, on manipulait les bêtes sur un territoire de 2000 hectares de
terres où il y a très peu de barrière (clôtures). Hubert Yonnet, aujourd’hui
décédé, est l’ancien président de la Confrérie des Gardians, aujourd’hui
présidée par Frédéric Lescot.
CA : Comment apprend-on à
manipuler les bêtes ?
O.V : En écoutant énormément les anciens, et en les observant travailler ! Et puis mon mari est aujourd’hui, comme moi, gardian amateur à la manade Raynaud. Cette manade, c’est environ 250 bêtes (taureaux et vaches confondues) sur presque 800 hectares !
O.V : En écoutant énormément les anciens, et en les observant travailler ! Et puis mon mari est aujourd’hui, comme moi, gardian amateur à la manade Raynaud. Cette manade, c’est environ 250 bêtes (taureaux et vaches confondues) sur presque 800 hectares !
CA : Quel
est le principe de base du tri de bétail ?
O.V : Trier,
c'est isoler à cheval une bête bien définie du troupeau. Quand on trie des
bêtes, c’est toujours une bête désignée à l’avance, bien déterminée. Même en
démonstration, on ne change jamais de bête. Le but étant de la séparer afin que
le taureau ou la vache puisse être conduit en camion (char à taureaux) dans les
arènes de la région pour la course Camargue. Après un quart d'heure de
prestation, la bête retourne dans ses pâturages.
CA : Peut-on
comparer l’équitation camargue et l’équitation western pour le tri de bétail ?
O.V : Il y
a des similitudes puisqu’il s’agit à chaque fois d’équitation de travail avec
du bétail. En Camargue les bêtes sont plus actives et plus vives, car elles sont
élevées pour la course et donc plus légères. De ce fait, nous montons nos
chevaux très rassemblés.
CA : Odile,
quelles sont les sensations que vous éprouvez en tri de bétail ?
O.V : C’est
indescriptible ! Je ressens des frissons, c’est très intense - surtout
lorsqu’on monte un cheval qui connaît parfaitement son travail. On a alors
l’impression qu’il est comme un chien de berger. C’est aussi un bonheur de
partager cette passion avec mes filles.Et puis c’est aussi une grande émotion de chevaucher à côté
de grands manadiers comme Marcel Raynaud, 91 ans, ou son frère Jean, 90 ans…
Pour moi, ce sont des dieux !
CA : En janvier dernier à Cheval Passion, en
Avignon, ont eu lieu plusieurs épreuves de tri de bétail et la remise de
différents trophées. Un événement important pour les amoureux d’équitation
camargue ?
O.V : Oui,
bien sûr, avec cette différence que les épreuves étaient open, c’est-à-dire
ouvertes à toutes les équitations de travail à partir du moment où le cavalier
revêt la tenue traditionnelle. Tandis qu’à Camagri (cf. notre post sur le blog)
les épreuves sont réservées à l’équitation camargue et aux chevaux Camargue
pure race exclusivement (cf. notre article sur la race Camargue).
Propos recueillis par Natalie Pilley.
Pour en savoir plus sur la Confrérie des gardians, consultez
leur site internet et leur page facebook
Prochainement sur le blog : découvrez l’abrivado, magnifique
tradition d’équitation de travail camargue.
Lisez aussi sur le blog :