Tri de bétail : une tradition équestre sur tous les continents

Tri de bétail : une tradition équestre sur tous les continents

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De l’Islande aux États-Unis en passant par la Camargue, « îlot » privilégié de l’équitation de travail en France, de nombreux peuples cavaliers perpétuent une magnifique tradition : le tri de bétail à cheval…

Le cheval de travail, compagnon des peuples cavaliers

En dépit des progrès techniques et de la motorisation, les peuples cavaliers sont encore nombreux à utiliser le cheval pour déplacer, convoyer, séparer, trier… les différents animaux de leur cheptel.
Leïla Audrey Pages
En Amérique du Sud, aujourd'hui comme hier, le convoyage des troupeaux s'effectue à cheval ©Leïla Audrey Pages
Ce peut être en Islande, où les éleveurs déplacent notamment leurs troupeaux de moutons à cheval (photo édito), ou encore en Argentine, en Italie, en Espagne, aux États-Unis… Et bien sûr en France, notamment en Camargue où les vaches et les taureaux, élevés en extensif dans d’immenses territoires, sont aujourd’hui encore manipulés exclusivement à cheval.
Cette tradition du tri de bétail, chère aux cavaliers voyageurs du monde entier, renvoie à la fonction première du cheval : le travail ! Et ce même s’il est aussi devenu, notamment à partir de la seconde moitié du XXème siècle, un compagnon de sport et de loisir.

Des épreuves d'équitation de travail

Aujourd’hui comme par le passé, sur tous les continents et même dans les pays industrialisés, le cheval reste donc le plus fidèle auxiliaire de travail qui soit. Un « outil » précieux et irremplaçable pour les cavaliers de différentes cultures équestres – qu’ils soient cowboys, vaqueros, gauchos, gardians…
Et c’est précisément pour remettre à l’honneur cette fonction première du cheval, et perpétuer les traditions, que l’équitation de travail a acquis ses lettres de noblesse. Petit à petit, des écoles se sont montées, des cours et stages ont été mis en place… et de façon très officielle, de nombreuses épreuves spécifiques ont été créées. Avec, à la clé, des diplômes et des championnats validés par les instances officielles.

Disciplines western "de bétail"

C’est le cas, par exemple, pour l’équitation western dont les disciplines dites « de bétail » ont aujourd’hui le vent en poupe ! Cutting, team penning, ranch sorting, working cow horse… Ces différentes disciplines, à la fois spectaculaires, ludiques et très fines en termes de dressage du cheval, permettent aux cavaliers de pratiquer une équitation de travail authentique, au plus près des utilisations ancestrales des cowboys et ranchers.
@Blog Cheval d'Aventure
Un cowboy coiffé de son Stetson, sur un Quarter Horse, face à son troupeau...  Le rêve de l'Ouest américain ! @Blog Cheval d'Aventure
En effet, il ne faut pas oublier que l’équitation western est issue du travail dans les ranches Américains au XIXe siècle, qui consistait à convoyer, surveiller et trier le bétail de manière rationnelle et rapide.

Un dressage spécifique 

De ce travail est né un dressage spécifique qui recherche l’économie physique et psychique optimale du cheval, afin de le rendre disponible pour des actions rapides et précises. C’est dans le but d’affiner ce dressage qu’ont été instaurées plusieurs classes (épreuves), régies selon des lois bien précises et dont l’ensemble définit ce qu’est de nos jours l’équitation western « académique », aussi bien aux Etats-Unis, qu’au Canada et en Europe.Les disciplines de tri de bétail les plus populaires sont le cutting, le team penning et plus récemment le working cow horse – cf. nos articles sur Antoine Cloux et Marie Mura sur le blog.  

Le cutting

Le cutting est une épreuve permettant d’évaluer les aptitudes du cheval au tri du bétail. L’épreuve se déroule dans une carrière : un veau est calmement isolé du troupeau. Le travail du cheval, sur lequel il est évalué, consiste à empêcher ce veau de rejoindre le troupeau. Le cheval doit agir de sa propre initiative, le cavalier ne touchant pas au mors.

Le team penning

Cette épreuve de tri du bétail regroupe des équipes de 3 cavaliers. L’équipe doit extraire 3 veaux identifiés d’un troupeau, et les regrouper dans un enclos. Cette épreuve est chronométrée et très rapide : elle est parfois être réalisée en moins de 30 secondes !

Le working cow

Le working cow permet de démontrer les aptitudes du cheval au travail de ranch. Cette discipline se compose d’une épreuve de reining et d’une épreuve de travail du bétail. Les qualités du cheval son ainsi évaluées : sens du bétail, dressage, disponibilité, vitesse, etc.

Où pratiquer le tri de bétail ?

Vous avez envie de pratiquer le tri de bétail en France, mais vous n’êtes pas attiré par la culture américaine et l’équitation western ? Pas de souci ! Inutile d’aller chercher à l’étranger ce qui existe en France, et plus précisément dans le sud, vers le delta du Rhone : nous voulons parler de la Camargue, bien sûr, riche d’une longue tradition équestre d’équitation de travail et de tri de bétail à cheval.
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Estelle Lescot très déterminée lors du Trophée de tri de bétail à Cheval Passion 2019 © Anne Durand
Pour le Mag des Cavaliers Voyageurs, nous avons interrogé Odile Jover : née à Arles, Odile est passionnée de tri de bétail, une discipline qu’elle pratique en Camargue avec François, son mari, ancien gardian professionnel, et leurs filles Léa, 15 ans et Naïs, 10 ans. 

La Camargue, un terroir riche de traditions équestres

Odile a découvert le tri de bétail à 16 ans, « à une époque où il n’existait pas de cours spécifiques pour apprendre la monte Camargue, et où les cavalières étaient moins présentes en nombre qu’actuellement ». Elle répond à nos questions sur cette passion familiale ancrée dans un territoire riche d’une identité équestre affirmée - mise à l’honneur chaque année en Avignon, lors du salon Cheval Passion :
Cheval d’Aventure : Qu’avez-vous aimé d’emblée, si jeune, dans le tri de bétail à cheval ?         
 Odile Jover : La liberté… Être dans les grands espaces ! A la manade Yonnet, aux Salins-de-Giraud, on manipulait les bêtes sur un territoire de 2000 hectares de terres où il y a très peu de barrière (clôtures). Hubert Yonnet, aujourd’hui décédé, est l’ancien président de la Confrérie des Gardians, aujourd’hui présidée par Frédéric Lescot.
CA : Comment apprend-on à manipuler les bêtes ?
O.V : En écoutant énormément les anciens, et en les observant travailler ! Et puis mon mari est aujourd’hui, comme moi, gardian amateur à la manade Raynaud. Cette manade, c’est environ 250 bêtes (taureaux et vaches confondues) sur presque 800 hectares !
CA : Quel est le principe de base du tri de bétail ?
O.V : Trier, c'est isoler à cheval une bête bien définie du troupeau. Quand on trie des bêtes, c’est toujours une bête désignée à l’avance, bien déterminée. Même en démonstration, on ne change jamais de bête. Le but étant de la séparer afin que le taureau ou la vache puisse être conduit en camion (char à taureaux) dans les arènes de la région pour la course Camargue. Après un quart d'heure de prestation, la bête retourne dans ses pâturages.

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Cheval Passion 2019 : (de g à d ) : Clara, Estelle, Batiste, Mathilde, Martin, Emma, Léopold, Valentine, Léa, Naïs et Arno © Anne Durand
CA : Peut-on comparer l’équitation camargue et l’équitation western pour le tri de bétail ?
O.V : Il y a des similitudes puisqu’il s’agit à chaque fois d’équitation de travail avec du bétail. En Camargue les bêtes sont plus actives et plus vives, car elles sont élevées pour la course et donc plus légères. De ce fait, nous montons nos chevaux très rassemblés.
CA : Odile, quelles sont les sensations que vous éprouvez en tri de bétail ?
O.V : C’est indescriptible ! Je ressens des frissons, c’est très intense - surtout lorsqu’on monte un cheval qui connaît parfaitement son travail. On a alors l’impression qu’il est comme un chien de berger. C’est aussi un bonheur de partager cette passion avec mes filles.Et puis c’est aussi une grande émotion de chevaucher à côté de grands manadiers comme Marcel Raynaud, 91 ans, ou son frère Jean, 90 ans… Pour moi, ce sont des dieux !
CA :  En janvier dernier à Cheval Passion, en Avignon, ont eu lieu plusieurs épreuves de tri de bétail et la remise de différents trophées. Un événement important pour les amoureux d’équitation camargue ?
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A Cheval Passion 2019, Léopold Granchi au travail : la relève est assurée ! © Anne Durand
O.V : Oui, bien sûr, avec cette différence que les épreuves étaient open, c’est-à-dire ouvertes à toutes les équitations de travail à partir du moment où le cavalier revêt la tenue traditionnelle. Tandis qu’à Camagri (cf. notre post sur le blog) les épreuves sont réservées à l’équitation camargue et aux chevaux Camargue pure race exclusivement (cf. notre article sur la race Camargue).
Propos recueillis par Natalie Pilley.
Pour en savoir plus sur la Confrérie des gardians, consultez leur site internet et leur page facebook 
Prochainement sur le blog : découvrez l’abrivado, magnifique tradition d’équitation de travail camargue.

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