
Céline Legaz, la Camargue pour héritage
A 35 ans, Céline Legaz
est une figure emblématique de l’équitation camargue. Enseignante et éleveuse, cette
cavalière talentueuse est aussi une jeune femme très élégante, à pied comme à
cheval...
A cheval au milieu des étangs
Sous le soleil écrasant du delta du
Rhône, au milieu des étangs et des enganes (prairies saumâtres sèches), quelques cavaliers se
sont regroupés pour trier les taureaux.

Montée sur son fier petit Camargue,
Vraiment du Bosc, Céline Legaz a fière allure. En tenue traditionnelle de
gardian - jupe-culotte, chemise, gilet, foulard et casquette - elle guide avec fermeté et douceur son cheval
au milieu des taureaux.
A 35 ans, cette jeune femme passionnée,
simple et chaleureuse, aime par-dessus tout transmettre ses connaissances
sur le sujet qui la fait vibrer, le
milieu dans lequel elle baigne depuis toute petite : l’équitation camargue.
Pourtant, au début de son parcours, elle n’avait justement pas choisi cette
voie …
Une manade de 160 taureaux
Les parents de Céline créent le Mas du
Bosc, élevage de chevaux Camargue, en 1972, soit 11 ans avant la naissance de
leur fille : « Ils avaient l’élevage
de chevaux ainsi que des pensions. Puis, mon père est également devenu
manadier, avec 160 taureaux. Mais suite à des problèmes de santé, il a
abandonné la manade pour ouvrir une sellerie-bourrellerie. »

C’est ainsi que, dès ses plus jeunes
années, Céline se familiarise avec l’équitation camargue, notamment quand ses
parents l’emmènent en promenade en dextre. (Mener
un cheval en dextre signifie tenir un cheval en longe en étant soi-même déjà à
cheval). Mais c’est à 8 ans
qu’elle commence réellement à apprendre l’équitation, dans un club
classique : « Mes parents
avaient trop peur pour m’apprendre à monter avec eux ! » Elle
continue dans cette voie et progresse jusqu’à passer tous ses Galops.
Son rêve : devenir archéologue
Du côté
des études, elle emprunte là aussi la voie classique : « J’ai choisi de passer un bac général pour ne
pas travailler dans le milieu du cheval. J’avais vu mes parents avoir beaucoup
de problèmes financiers avec les chevaux et les taureaux, et je ne voulais pas
connaître les mêmes difficultés. » Céline rêve de devenir archéologue.
Enseignante d'équitation à 20 ans
Arrivée sur les bancs de la fac, elle réalise pourtant qu’il lui est impossible
de rester assise toute la journée. Ce déclic la conduit vers un BEES 1 (Brevet
d’état d’éducateur sportif, l’équivalent du BPJEPS actuel), qu’elle décroche à
20 ans, avec l’idée de travailler soit dans l’enseignement, soit dans une
sellerie : « Les problèmes
financiers de mes parents s’étaient atténués avec leur activité de
selliers-bourreliers. Cela me semblait une bonne option. » Finalement, le sort et les opportunités
la conduisent dans un gros club d’équitation classique, où elle enseigne et sort
en concours complet pendant une année.

Ecole d'équitation camargue
Septembre 2004, une monitrice
d’équitation camargue se blesse dans un club voisin. Céline est sollicitée pour
la remplacer. Elle accepte, et c’est le début du retour aux sources. Selle camargue,
caveçon, techniques camargues, monte à une main… Céline connaît parfaitement le
sujet. Cette mission de remplacement, qui s’achève fin 2005, est un nouveau
déclic : en 2006, la jeune femme de 23 ans ouvre une école d’équitation
camargue chez ses parents, à côté de Montpellier.
Son projet est bien réfléchi,
avec une ligne de conduite rigoureuse :
« J’ai acheté des chevaux que
j’ai dressés à ma façon. Je voulais des chevaux "prêts à monter",
c’est-à-dire des chevaux très bien mis qui permettent aux cavaliers de
progresser rapidement et en toute sécurité, donc avec très peu de chutes. Pour
moi, les chevaux de club ne sont pas des chevaux au rabais. Ce sont mes outils
de travail, et je veux des outils de qualité. »
Une approche éthologique
Pour atteindre cet objectif, elle travaille
ses chevaux en équitation éthologique, une approche à laquelle elle a été
sensibilisée par sa maman. « Dans
mes cours, je ne segmente pas équitation camargue et équitation éthologique.
L’équitation éthologique n’est pas une discipline, c’est un état d’esprit.
D’ailleurs, d’une façon plus générale, j’aime inculquer à mes élèves la
responsabilité de l’animal. Je ne veux pas qu’ils arrivent dans
l’optique : "je viens, je monte, je repars" ».

Se remettre en selle, à cheval comme dans la vie
Cette notion de responsabilité et de
sécurité est primordiale pour Céline, mais elle le devient encore davantage
après son accident en mai 2006 : alors qu’elle travaille un cheval au
passé compliqué, qu’elle veut « sauver », la jeune monitrice reçoit
un coup de pied au visage. Elle est arrêtée pendant 9 mois. Cet épisode va la
marquer à tout jamais : « Quand
on a frôlé la mort, on apprend ensuite à aller à l’essentiel, à faire des choix
plus facilement pour la sécurité de tous. Bref, on grandit. »
Pendant la période très difficile qui
suit l’accident, Céline est étroitement soutenue par sa famille et par
d’anciens élèves qui viennent s’occuper de ses chevaux.
Quandmême, le cheval au nom symbolique
C’est grâce à eux
qu’elle peut ensuite se remettre en selle, à cheval comme dans la vie. Grâce à
eux et grâce à Quandmême du Bosc, un cheval né chez elle en 2004 : « Il a été débourré par ma mère, et c’est lui
que j’ai monté après l’accident. »

Dès lors, ils ne se quittent
plus : ils sortent en épreuves de tri de bétail, de maniabilité et de
parcours de pays et sont même sélectionnés trois fois pour la finale du salon
Camagri, réputée pourtant très sélective. « Nous avons des parcours parallèles : Quandmême a lui aussi subi un
accident, en 2011, lors duquel il s’est cassé un genou. Depuis, "Quand
même" est devenu ma devise : ce sont deux mots qui me décrivent
totalement. Par exemple, face à une difficulté, je me dis : "Pas
grave, je le fais quand même". »
La
passion des taureaux
Quandmême et tous les autres chevaux de
Céline sont capables de passer sur une bâche, d’ouvrir une barrière, de sauter
un tronc ou encore de dérouler une reprise de dressage. Car l’équitation
camargue est riche de nombreuses épreuves : reprise de travail, maniabilité,
parcours de pays… autant de disciplines que Céline pratique et enseigne au
quotidien, même si elle avoue une nette préférence pour le tri du bétail :
« C’est l’essence même de
l’équitation camargue. Le contrôle du troupeau me passionne. C’est comme le
plaisir du berger avec son chien et ses moutons. J’aime le côté ancestral et
pastoral du tri, j’aime perpétuer cette tradition. Et puis c’est le mythe de
Crin-Blanc. »

Première expérience du bétail à 5 ans
La toute première expérience de Céline
dans le bétail remonte d’ailleurs à l’année de ses 5 ans, avec un cheval nommé
Eclair. Ce jour-là, haute comme trois pommes, Céline accompagne en promenade
son père qui, exceptionnellement, ne tient pas son cheval en dextre. Alors que
tous deux marchent tranquillement dans le clos de tri pour vérifier que les
animaux vont bien, le père de Céline pointe du doigt le "simbèu" de
la manade, c’est-à-dire le taureau chargé de guider l’ensemble de la manade
lors des manœuvres de tri. « Tu le
reconnais ? C’est Printemps ! », lance le papa à sa fille.
La sensation de trier un taureau
Que n’avait-il pas dit là ! Les secondes qui suivent vont lui sembler
interminables. En entendant le nom du taureau, le cheval de Céline échappe à
tout contrôle : il part au galop et fonce sur Printemps, qui vient
aussitôt se placer dans le couloir de tri. Après de longues secondes, Eclair
s’arrête enfin. Printemps et lui viennent tout simplement de faire leur
travail, mais le papa de Céline a eu une grosse frayeur. Sans le vouloir, la
toute petite fille vient de trier un taureau pour la première fois de sa
vie : « C’est ce cheval qui m’a
montré comment trier. J’ai toujours cherché ensuite à retrouver la sensation
que j’avais éprouvée ce jour-là. »
L'exemple de Renaud Vinuesa
Aujourd’hui, à cheval au milieu des
taureaux, que ce soit sur Quandmême ou sur son frère Vraiment, Céline est dans
son élément. Elle sait lire le bétail, c’est-à-dire anticiper les réactions des
animaux pour les mener à l’endroit voulu. Le tout avec courage, calme et
détermination.

Pour atteindre ce niveau de compétence, Céline a eu la chance
d’être bien entourée, notamment par des cavaliers de renom comme Renaud
Vinuesa : « C’est un exemple à
suivre. Sa façon de se comporter dans le bétail fait rêver. Il est toujours
calme, respecte ses taureaux… pour moi c’est une source d’inspiration. »Céline et Renaud ont d’ailleurs
participé ensemble à plusieurs spectacles mêlant chevaux et taureaux, comme aux
Crinières d’Or d’Avignon en 2015, dans un tableau onirique et poétique aux
teintes bleutées.

Transmettre
la tradition
Aujourd’hui, la structure de Céline
compte 10 chevaux d’école, 10 chevaux en pension et 10 chevaux d’élevage dont
elle s’occupe avec ses parents. En 2015, elle a passé ses BFEE 1 et 2 (Brevets
fédéraux d’équitation éthologique) avec Andy Booth, toujours dans l’idée de
travailler en intelligence et en sécurité avec ses chevaux : « A l’avenir, j’aimerais faire d’autres stages
avec Andy. J’aime aussi beaucoup l’éthologie au sens scientifique. »

Entre les cours, l’élevage et les
concours, l'emploi du temps de Céline est bien chargé. Même si elle ne fait plus de compétition ! Sans compter qu’elle se
déplace aussi à la demande pour aider des cavaliers en difficulté : « Ça peut être un cheval qui ne donne pas les
pieds, qui ne monte pas dans le van… C’est gratifiant de débloquer une
situation entre un cheval et son cavalier. »
Le bonheur de partager ce qu'elle a appris
Et la passion de Céline
ne s’arrête pas aux portes de la Camargue : il fut un temps où elle a également été compétitrice chevronnée et juge
internationale d’équitation de travail, avec plusieurs occasions d’aller juger des épreuves en Allemagne. En bref, une cavalière accomplie et
épanouie, comme en témoignent son sourire et sa bonne humeur : « Ce qui me plaît le plus, c’est de partager
tout ce qu’on m’a appris. J’ai eu la chance d’avoir autour de moi beaucoup de
gens qui ont eu envie de partager aussi. Ils m’ont servi de modèle. »
Une belle énergie qui n’est pas près de s’éteindre, car quels que soient les
obstacles, Céline continuera quand même à transmettre le savoir-faire des
gardians.
Article écrit par Flore Pasquier et paru
dans le magazine Cavalière 61. Tous droits réservés.
Photo édito : ©Clément Geirnaert

Céline Legaz est aussi l’auteure d’un
ouvrage très complet : Manuel d’équitation camargue, aux éditions Actes
Sud.
Elle y présente la race Camargue, le travail à pied et le travail
monté. Elle propose également des exercices d’entraînement pour les cavaliers
les plus aguerris.
Découvrez le site Internet du Mas du Bosc
Pour rendre visite à Céline : Mas du Bosc - Equitation Camargue
Ancien Chemin de Montpellier à Villeneuve
34430 St Jean de Védas
Tél : 06 03 02 26 39
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