
Sur les traces de Lawrence d’Arabie en Jordanie
Découvrir
la Jordanie à cheval, c’est s’immerger dans l'histoire nabatéenne, au cœur du mythe
de "Lawrence d'Arabie". Voyage au pays des Bédouins et des Pur-Sang
Arabes…
De Petra au Wadi Rum
Bien sûr, au moins une fois dans sa vie, il faut voir Petra, perle architecturale de la Jordanie…

Mais pour s'imprégner de la culture bédouine et fuir les
touristes, rien ne vaut de partir, des jours et des nuits entières, dans l’immensité
sauvage du Wadi Rum !
Le Wadi Rum, un désert d'exception
Le Wadi Rum
est l'endroit rêvé pour les amoureux de la nature, avec son écosystème unique
et ses plantes rares, connues depuis des siècles par les Bédouins pour leurs
bienfaits. A première
vue, la vie ne semble pas être présente dans cette zone, mais les fins
observateurs s'apercevront très vite que le Wadi Rum est bien plus que du sable
et des rochers. La flore y est extrêmement riche, et attire les géologues et
botanistes du monde entier.
Quant à la faune, elle y est exceptionnelle… Avec
le coucher du soleil, vous verrez des damans, des lièvres, des gerboises et des
gerbilles surgir de nulle part. C'est également à cette heure que les chasseurs
du désert, les renards et les chats sauvages, sortent de leur cachette. Leurs
traces sont visibles dans le sable tôt le matin autour des camps bédouins,
preuve de leur passage la nuit pour s'alimenter de détritus.
Bouquetins et gazelles
Bien qu'ils
soient plus rares aujourd'hui, les bouquetins d'Arabie et les gazelles sont
toujours visibles dans la région. Ils sont très protégés par la Royal Society
for the Conservation of Nature (RSCN), tout comme l'oryx arabe qui a été
récemment réintroduit dans cette zone depuis
la réserve Shaumari.
Les oiseaux
qui peuplent le Wadi Rum sont l'ammomane isabelline, le cochevis huppé, le
moineau soulcie, le roselin du Sinaï d'un rose magnifique (oiseau national de
la Jordanie) et la perdrix choukar. Plus haut, ce sont les vautours, les
busards et les aigles qui envahissent les falaises vertigineuses.
Le pur-sang
arabe, roi du Wadi Rum
Pour découvrir
à cheval les trésors de la Jordanie, quoi de mieux qu’un Pur-Sang Arabe, cheval
du désert et d’endurance par excellence ?
Un peu d’histoire : l'Arabe est
une des plus anciennes races qui soient.

Son aire d'origine, controversée, est
néanmoins orientale. Produit de la rude civilisation du désert, le cheval Arabe
fut déjà remarqué par Salomon et par les pharaons. Mahomet en fit l’un des
éléments de sa conquête. Utilisé par toutes les tribus nomades du Proche et du Moyen-Orient,
il a été introduit en France dès le VIIIè siècle (bataille de Poitiers) et
pendant les Croisades. Comme cheval de guerre, il a participé à l'amélioration
de nombreuses races et Napoléon, qui en fut un ardent promoteur, imposa son
élevage en race pure, élevage qui s'est alors progressivement développé en
France.
L’améliorateur
de race par excellence
L'Arabe est
aussi à l'origine de la race pur-sang en Angleterre. Au XIXè siècle, croisé de
nouveau avec ce dernier, il a permis la création de la race anglo-arabe en
France.
Une
élégance inégalée
Il porte à
la tête les signes qui confirment la noblesse de sa race : front large, profil
rectiligne ou concave, oreilles courtes, bien dessinées et mobiles, yeux
grands, expressifs et doux, naseaux très ouverts et finement dessinés, ganaches
écartées, la lèvre inférieure courte et petite. La tête, très distinguée, est
portée par une encolure longue et peu épaisse, aux crins très soyeux.
Bref, aucun doute
à cela : c’est LA monture à adopter pour découvrir le Wadi Rum, sur les
traces de Lawrence d’Arabie… !
Lawrence d’Arabie :
un aventurier de légende
Le film-culte
de David Lean, mettant en scène ce personnage de légende sous les traits de l’acteur
Peter O’Toole, l’a immortalisé sur la pellicule. Mais qui était vraiment
Lawrence d’Arabie ? Dans un article remarquable paru dans la revue "L'Histoire", Philippe Chassaigne répond à cette épineuse question...

Thomas Edward Lawrence (1888-1935), plus
connu sous le nom de « Lawrence d'Arabie », est entré dans l'histoire comme
incarnant la figure du Britannique fasciné par les civilisations du Levant,
ouvert à ses peuples, voire désireux de concilier Britanniques et Arabes. Mais
son épopée, soigneusement consignée dans l’ouvrage Les Sept Piliers de la
sagesse, publié en 1922 (d’ailleurs,
dans le désert du Wadi Rum, une formation rocheuse est appelée ainsi !), s'inscrit aussi
dans le contexte de la Première Guerre mondiale, des grandes manœuvres des
Franco-Britanniques pour soulever les populations arabes du Moyen-Orient contre
l'Empire ottoman, et des marchés de dupes qui en ont suivi.
Né d'une union illégitime
En fait, il y a plusieurs T. E. Lawrence.
Le « premier » est né, deuxième de cinq enfants, le 16 août 1888, de sir Thomas
Chapman, baronet le plus petit des titres de noblesse anglais anglo-irlandais,
et de Sarah Junner, sa concubine. Difficile, à l'époque, d'être issu d'une
union illégitime, sans encourir l'opprobre social. Forcée à de fréquents
déménagements, la famille finit par s'installer à Oxford en 1896, sous le nom
de « M. et Mme Lawrence ».

Entre 1907 et 1910, Thomas Edward y étudia
l'histoire à Jesus College, tout en occupant ses vacances d'été à voyager : la
France 1907-1908, et surtout, les provinces ottomanes de Syrie et de Palestine,
qu'il sillonna à l'été 1909. Là, son attrait intellectuel initial pour les
croisades cède la place à la fascination pour les Arabes, en qui il voit les
représentants d'une civilisation libre des entraves morales des Occidentaux.
Maîtrise de la langue arabe
De
ces voyages, il tire une thèse brillante, soutenue en 1910, sur « L'Influence
des croisades sur l'architecture militaire européenne, jusqu'à la fin du XIIe
siècle », après quoi, en 1911, il retourne au Moyen-Orient, sur un chantier de
fouilles britannique, à Karkemish, en Syrie du Nord. Place alors au « deuxième » T. E.
Lawrence. Sur le site, il procède à des relevés, photographie les objets
découverts, et, grâce à sa maîtrise rapide de la langue arabe il parlait
également le français, l'allemand, le latin, le grec et le turc, gère au mieux
les employés du chantier recrutés dans la population locale.
Un rôle crucial de cartographe
En outre,
Karkemish était à proximité du tracé du BBB, voie ferrée de Berlin à Bagdad et
Bassorah, et les relevés archéologiques pouvaient revêtir à l'occasion un
intérêt réel pour les militaires. D'ailleurs, au début de l'année 1914,
Lawrence et un collègue furent chargés par l'armée britannique de réaliser des
relevés militaires dans le Néguev sous couvert de fouilles. Cette région
désertique revêtait une importance stratégique en cas d'attaque ottomane contre
la zone du canal de Suez et l'Égypte.

Lorsque la Première Guerre mondiale
éclate, Lawrence rejoint la section géographique de l'état-major général, où il
est employé comme cartographe, rédigeant notamment un rapport sur les routes
traversant le désert du Sinaï.
Géographe et agent de liaison
La situation au Moyen-Orient est
extrêmement complexe : en théorie, l'Empire ottoman y exerce sa souveraineté de
l'Anatolie à l'Égypte, et de la Méditerranée au golfe Persique ; mais ses 6
millions d'habitants arabes sur un total de 21 millions renâclent plus ou moins
sous la domination turque. Les Britanniques y sont très présents, car plusieurs
routes vers l'empire des Indes, le « joyau de la Couronne », traversent le
Moyen-Orient. La plus importante passe par l'isthme de Suez, percé d'un canal
en 1869 : l'Égypte, de facto autonome « vice-royauté » de la Sublime Porte dès
les années 1840, est occupée militairement depuis 1882, puis a reçu le statut
de protectorat à l'ouverture des hostilités en 1914.
Territoires sous influence britannique
Une autre route passe par
Chypre, colonie britannique depuis 1878, puis la Mésopotamie et le golfe
Persique : en 1898, la naissance d'un Koweït indépendant, porté sur les fonts
baptismaux par Londres, verrouille l'embouchure du Tigre et de l'Euphrate. Le
Golfe lui-même est bordé de territoires sous influence britannique la côte
perse au Nord, au Sud le Koweït, Bahreïn, Mascate et Oman... et peut être
considéré à cette date comme un « lac anglais ». Les Britanniques ont aussi des
intérêts économiques dans toute la région : ils sont les premiers fournisseur
et client de l'Empire turc, détiennent 13 % de sa dette extérieure, et ont
investi dans des secteurs très divers, à commencer par la ligne du BBB.
Révolte des populations arabes
La Turquie n'en rejoint pas moins l'Allemagne
et l'Autriche-Hongrie dans la guerre en octobre 1914. L'Empire ottoman va dès
lors revêtir une importance particulière dans la stratégie britannique : devant
l'enlisement des opérations sur le « front de l'Ouest » et les difficultés
militaires des Russes en Europe orientale, Churchill, ministre de la Marine,
conçoit un plan d'actions périphériques qui, portant la guerre contre les
Turcs, obligerait les Puissances centrales à diviser leurs forces.

C'est, d'une
part, le fiasco des Dardanelles mars-décembre 1915, et d'autre part, au
Moyen-Orient, les opérations en Mésopotamie. C'est aussi le projet, élaboré par
le Bureau arabe du Foreign Office, de pousser à la révolte les populations
arabes assujetties aux Ottomans, afin d'affaiblir l'effort de guerre de ces
derniers.
Correspondance avec McMahon
Tel était l'objectif de la correspondance
qu'échangèrent entre juillet et octobre 1915 Henry McMahon, Haut Commissaire
britannique en Égypte, et Hussein, chérif de La Mecque, par laquelle la
Grande-Bretagne, en termes certes flous, semblait soutenir la formation d'un
futur royaume arabe rassemblant l'essentiel des provinces allogènes de l'Empire
ottoman, si Hussein proclamait le jihad* « guerre sainte » contre le sultan ;
dans le même temps, les Britanniques s'entendaient aussi avec Ibn Séoud, émir
du Nadjd, en Arabie centrale, pour qu'il restât neutre dans le conflit.
Services de renseignement
La guerre révéla alors le « troisième » T.
E. Lawrence, « Lawrence d'Arabie » : affecté, en décembre 1914, aux services de
renseignement britanniques au Caire, il est envoyé en octobre 1916 en mission
dans le Hedjaz où, au mois de mars précédent, Hussein s'était révolté contre
les Ottomans. Il devient rapidement agent de liaison entre les tribus* arabes
révoltées et les Britanniques, et participe aussi à des opérations de guérilla
au sein des troupes de l'émir Fayçal, un des fils de Hussein. Ils concentrent
leurs opérations contre la voie ferrée du Hedjaz, empêchant le rapatriement des
troupes turques stationnées à Médine vers la Syrie d'où elles doivent être
envoyées contre les Britanniques en Palestine.
Entrée dans Jérusalem
Le 6 juillet 1917, à la tête d'un
contingent de troupes arabes, il parvient à s'emparer de la place forte d'Aqaba
ainsi que de son avant-poste, Wadi Itm, pourtant réputé imprenable. Le 11
décembre, de retour en Palestine, Lawrence entre dans Jérusalem avec le général
Allenby à la tête des troupes britanniques.
Malaise au Moyen-Orient
Au moment où les Arabes secouaient le joug
ottoman, Français et Britanniques s'en partageaient en secret les futures
dépouilles. Les accords conclus en mai 1916 entre les diplomates sir Mark Sykes
et Georges Picot attribuaient à la Grande-Bretagne une large bande allant de
Jérusalem au golfe Persique via la Mésopotamie inférieure, et, à la France, le
Liban et la Syrie. Italiens et Russes recevaient aussi des contreparties territoriales,
les uns en Anatolie, les autres dans le Caucase.

La divulgation de ces accords
secrets par les bolcheviques dès leur arrivée au pouvoir causa un réel malaise
au Moyen-Orient, d'autant que, par la déclaration Balfour du 2 novembre 1917,
Londres s'engageait à favoriser « l'établissement en Palestine d'un foyer
national juif ». Lawrence n'en plaida pas moins en faveur du maintien des
engagements pris par Londres en 1916.
Un personnage mythomane ?
Au terme de la campagne de Syrie, le
général Allenby entrait le 4 octobre 1918 dans Damas et, le 31 octobre,
l'armistice de Moudros marquait la fin de la participation turque à la Grande
Guerre. Lawrence, un rien mythomane, prétendra par la suite être entré trois
jours plus tôt et l'avoir dirigée, seul, pour en faire la capitale du futur
royaume arabe. Sans doute sa marge de manoeuvre était-elle moins large.
Lawrence, qui portait désormais régulièrement l'habit arabe, retourna alors en
Grande-Bretagne pour défendre la cause de l'indépendance arabe dans les
négociations de paix qui allaient suivre.
Les routes de l'Inde
Il fit partie de la délégation
britannique à la Conférence de Versailles janvier-juin 1919, tandis que celle
des Arabes était menée par Hussein. Il n'empêche que le royaume arabe évoqué
dans la correspondance Hussein-McMahon ne vit pas le jour, au-delà d'un
éphémère royaume de « Grande Syrie » d'Alep au golfe d'Aqaba, englobant Liban
et Palestine dirigé par Fayçal entre mars et juin 1920 : celui-ci, tout comme
la Palestine, le Liban, la Jordanie et l'Irak ex-Mésopotamie, furent attribués aux
deux grands vainqueurs de la guerre sous la forme de « territoires sous mandat
» - autant dire, de protectorats. En l'occurrence, la Grande-Bretagne obtenait,
avec la Palestine, la Jordanie et l'Irak, de quoi contrôler les sacro-saintes
routes vers l'Inde.
Écrivain et pilote de la Royal Air Force
Très déçu par les résultats de la
Conférence de la paix, Lawrence retourna à Oxford, occupant un poste de
chercheur au All Soul's College. C'est là que la célébrité médiatique lui
fondit dessus : un journaliste américain, Lowell Thomas, qui avait assisté à la
prise d'Aqaba, publia un livre racontant ses exploits au Moyen-Orient, lequel
devint un succès de librairie. Lorsque Churchill accéda au ministère des
Colonies en 1920, il sollicita Lawrence en tant que conseiller pour le
Moyen-Orient. Celui-ci y effectua plusieurs séjours en 1921 pour essayer de
parvenir à un compromis entre Arabes et Britanniques ; finalement, Fayçal,
chassé de Syrie par les Français, devint roi d'Irak, sous tutelle britannique,
en août 1921 ; il devait en rester le souverain jusqu'à sa mort, en 1933.
Royal Air Force
L'année suivante, Lawrence, que sa
soudaine popularité perturbe profondément, entame une nouvelle vie, la «
quatrième », en quelque sorte : il s'engage dans la Royal Air Force sous le nom
d'emprunt de John Hume Ross, tout en parachevant la rédaction d'un livre
monumental 700 pages, Les Sept Piliers de la sagesse , dans lequel il livre sa
version des événements de 1916-1918.

Une édition privée est publiée en 1922,
une deuxième, limitée à 200 exemplaires en 1926 et, surtout, une version abrégée,
Révolte dans le désert , en 1927, qui consacre la popularité de Lawrence,
renforcée par de multiples publications - livres, articles - à son sujet. Son
engagement dans la RAF ayant été rendu public par la presse, il accepte un
poste en Inde, mais, là encore, sa notoriété le dessert : certains articles de
presse, en Grande-Bretagne mais aussi en France, en Russie soviétique et
jusqu'aux États-Unis, insinuent qu'il s'agit d'une couverture pour des
activités d'espionnage dans l'Afghanistan voisin.
Un accident de moto fatal
Lawrence doit donc être rapatrié en
Angleterre en 1929, où il est affecté à la base RAF de Plymouth. En dehors des
obligations de service, il entretient une volumineuse correspondance, travaille
à la rédaction d'un récit de son expérience dans l'armée de l'Air The Mint ,
qui ne paraîtra qu'à titre posthume, en 1955 et à une traduction de l' Odyssée
, qu'il achève en 1931. Il s'y passionne pour les bateaux à grande vitesse,
pour le sauvetage des pilotes d'hydravion tombés en mer, et, à son grand
regret, doit quitter l'armée en mars 1935 à la fin de son contrat. Quelques
semaines plus tard, à l'âge de 46 ans, il décède des suites d'un accident de
moto - il était un pilote acharné et possédait pas moins de sept engins - près
de son cottage de Clouds Hill dans le Dorset.
Le film-culte de David Lean
Par-delà une vie éminemment romanesque -
ce n'est pas pour rien que le film Lawrence d'Arabie , réalisé en 1962 par
David Lean, avec Peter O'Toole dans le rôle-titre, remporta 7 Oscars - T. E.
Lawrence reste d'abord comme un héros militaire hors du commun. Il est parfois
difficile de démêler la vérité de la légende - son rôle dans la révolte arabe
a-t-il été aussi déterminant qu'il le présente dans les Piliers ? -, et
de nombreuses zones incertaines subsistent, comme, par exemple, un
homo-érotisme jamais nié, mais jamais assumé. Son attachement à la cause
nationale arabe au Moyen-Orient demeure un élément central de son existence,
mais il n'a pu, ni au fond voulu, car sa loyauté envers sa patrie prima, faire
aboutir ce pour quoi les tribus bédouines s'étaient révoltées : le
Moyen-Orient, à l'instar de la Palestine, était bien une terre « trop promise
».
© Revue L’Histoire. Merci à
Philippe Chassaigne pour son remarquable article "Le rêve de Lawrence d’Arabie", Coll.
52.
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