Sur les traces de Lawrence d'Arabie en Jordanie
Christophe Leservoisier, cavalier émérite et directeur de Cheval d'Aventure, nous raconte son incroyable voyage en Jordanie au cœur d'un des plus beaux déserts du monde, le Wadi Rum. Il a découvert, au pas du cheval arabe, une région empreinte d'histoire, de traditions et de paysages majestueux.
Des étapes équestres remplies de rencontre
Les chevaux hâtent le pas,
s’obstinant à trottiner. Les oreilles dressées et attentives, inquiets ils
soufflent et ronflent. Nous approchons du puits où est le rendez-vous avec les
chameaux et le reste de l’équipe. Un vieil homme surgit et les chevaux stoppent
net. Il s’avance jusqu'à nous, sans un mot, le regard un peu voilé, le keffieh
de travers. Avec des gestes éloquents, il nous demande des cigarettes.
«C’est
Salah, un vieux qui vit seul sous sa tente avec ses chèvres, un chameau et un
chien. Il est muet. Il se considère comme le gardien du puits. Il est de notre
tribu, celle des Zalabiah, c’est un cousin de mon grand-père» explique Selim en
lui tendant un paquet de cigarettes.
Salah nous précède, indiquant de
la main une grande dalle de grès rose au milieu de laquelle un bidon jaune tout
cabossé et une vieille corde indiquent la présence du puits. Nous mettons pied
à terre, le vieux Salah prend nos chevaux.
L’eau est à une dizaine de mètres,
facile à puiser. Les traces multiples autour de l’abreuvoir sommaire fait de
pierres cimentées indiquent le passage de moutons, chèvres et chameaux. Au cœur du désert du Wadi Rum,
près de ce puits creusé par les Nabatéens, avec Salah le muet et son chien, nos
quatre chevaux abreuvés, nous attendons dans le silence.
L’air est frais en ce
mois de février. Salah nous offre un thé fort et sucré. Deux avions de chasse
passent très haut dans le ciel azur, en direction du nord. Mon esprit vagabonde
entre guerre et paix, dans l’incompréhension de cette haine qui anime ces fous
d’Allah de Daesh, alors qu’ici domine un sens incroyable de l’hospitalité et du
partage.
Découverte à cheval du désert de Wadi Rum
Ces jours derniers, au départ du
village de Rum, nous avons effleuré l’intimité de ce désert de sable, de grès et de granit, inscrit au Patrimoine
Mondial de l’Unesco (2011), chevauchant entre les Jebels Burrah, Um Ishrin, Um
Harag, Kush Kashah, Khaza’Ali, Qobr Amra, Abu Khsheibah et Burdhah. Et au fil
de notre cabotage le long des falaises, nous laissons à l’attache nos chevaux pour
explorer, à pied, les canyons et y retrouver peintures et gravures qui
témoignent de plus de 120 siècles d’occupation humaine. Ou gravir les arches
naturelles de Burdah et de Um Fruth. Ou encore, nous émerveiller de ces
figuiers sauvages poussant dans un recoin de montagne au bord d’un petit bassin
naturel d’eau de source. La vie est partout.
Le chant de Hassan, un chamelier
cuisinier incroyable, résonne au loin dans le canyon qui mène au puits… chacun
renvoie sa mélopée en un joyeux capharnaüm. Les six chameaux de notre caravane
sont là. Nous sommes heureux de nous retrouver même si nous sommes quittés seulement
quatre heures plus tôt. Des retrouvailles autour d’un puits en plein désert
sont toujours un symbole intense.
Sur les traces de Lawrence d'Arabie
Découvrir ce désert à pied, à
cheval ou à dos de chameau, est le meilleur moyen de voyager - et rêver - sur
les traces des marchands Nabatéens qui ramenaient d’Oman, du Yémen de la soie,
des épices, de l’encens et tout ce qui s’achète et se vend. Ils faisaient étape
dans le Wadi Rum avant de poursuivre vers Petra. Les inscriptions nabatéennes
de Anfashieh, tous près des dunes de sable rouge du J’bel um Ishrin nous
racontent ces caravanes.
Et bien sur, plane ici l’âme et
l’image romantique de Lawrence d’Arabie. Thomas Edward Lawrence, archéologue,
aventurier, écrivain, officier…Tout le monde connait ce Britannique qui y avait
basé son siège opérationnel durant la révolte arabe contre l’Empire ottoman durant
la Première Guerre Mondiale. Et si l’on a vu le film « Lawrence
d’Arabie » tourné en partie à Wadi Rum en 1961-62, avec les bédouins comme
figurants autour de Peter O’Toole et Omar Sharif, on a une idée de l’ambiance
dans laquelle il est possible de chevaucher.
Hier, nos galops étaient comme
une charge sur Aquaba. Nos chevaux arabes partageaient nos rêves… ils sont des
chevaux de vent.
Le Pur-Sang Arabe, un cheval de
vent…
Les littératures musulmane et chrétienne ont
usé des termes les plus élogieux pour qualifier le Pur-Sang Arabe et exaltent
les comparaisons des plus flatteuses : il a le regard d'une femme amoureuse, la
démarche d'une belle jeune fille, les flancs de la gazelle, le poitrail du
lion, la vitesse du lévrier, la sobriété du chameau, etc.
Ce cheval cumule toutes les qualités : distingué,
souple, équilibré, gracieux, soumis, courageux, fort, énergique, sensible, généreux,
rapide, maniable et, bien sûr, intelligent… Un potentiel à nul autre pareil qui
l’a autorisé à répandre son sang dans la grande majorité des races que l’on
connaît aujourd'hui. De taille plutôt modeste (1,45 en moyenne), on le
reconnaît à sa queue portée haute et à son profil de tête en croissant de lune,
particulièrement élégant. Le pur-sang arabe a la particularité d'avoir :
- 17 côtes alors que les autres chevaux en ont 18
- 5 vertèbres lombaires au lieu de 6
- 16 vertèbres coccygiennes au lieu de 18
Ces trois points montrent bien qu'ils ont
gardé leur pureté primitive.
Chez les Bédouins, les chevaux sont indissociables des chameaux. Plus rapides que les chameaux, les chevaux leur permettaient de se déplacer rapidement, en particulier pour les razzias. De leur histoire, les Bédouins de Wadi Rum ont gardé une grande tendresse pour leurs chameaux et une réelle fierté pour leurs chevaux.
Saleem, guide équestre en Jordanie et enfant du désert
Les chevaux, une histoire de famille
Les chevaux du désert, ces arabes Bédouins aux
multiples facettes, ont toujours occupés une place prédominante au sein de
notre tribu des Al Zalabiah, et plus particulièrement au sein de ma propre
famille. Mon grand-père possédait déjà quelques
purs-sangs, qu'il chérissait à grand renfort de gorgées de lait de dromadaires,
réputé renforcer le sang chaud de ces animaux et leur permettre d'être plus
performants lors des courses d'endurance.
C'est d'ailleurs lors de l'une d'elles qui,
jadis, se déroulait dans le Wadi Rum à l’occasion de fêtes organisées pour la
circoncision d'un garçon, que mon grand-père fit, sans le savoir, la
connaissance de celle qui, des années plus tard, deviendra sa femme. En effet,
le vainqueur de cette course, opposant chevaux et dromadaires, recevait alors
en récompense une jeune fille promise en mariage. Cette année là, mon
grand-père avec son meilleur étalon remporta aisément la course. Dérogeant à la
tradition, il refusa la demoiselle promise, lui préférant des moutons !
Des années plus tard, tombé sous le charme d'une belle jeune femme, il la
demanda en mariage et découvrit alors qu’elle n’était autre que la jeune fille
refusée quelques années auparavant… De cette belle histoire est née une lignée de
cavaliers et amateurs de purs-sangs arabes.
La préservation des traditions équestres en Jordanie
Mon sang, ma chair, sont donc imprégnés depuis
ma plus tendre enfance par cette relation si particulière avec les quadrupèdes
et par les nombreux récits autour des chevaux de mes aïeux. C'est donc
naturellement que je suis devenu petit à petit le propriétaire d'une écurie
florissante, qui compte aujourd'hui 20 pur-sang arabes.
Ces biens nommés
"buveurs de vent", au comportement toujours curieux et à l'esprit
généreux, font le bonheur des cavaliers et aventuriers qui viennent découvrir
chez nous, dans le Wadi Rum, cette race de chevaux, notre culture et la beauté
de notre désert. Nos chevaux entraînent les cavaliers sur la route glorieuse de
Lawrence d'Arabie, et à la rencontre des bédouins nomades et de leurs
traditions séculaires.
Cette population, connue pour sa grande
tradition d'hospitalité, est bien loin des clichés négatifs aujourd'hui
tristement véhiculés sur les peuples arabo-musulmans. Si la Jordanie, pays
pacifiste est cernée de tous côtés par des orages, son ciel reste bleu et ses
frontières repoussent les nuages qui voudraient l'obscurcir.
Moi, Saleem, enfant du désert, je suis devenu
le passeur des traditions de mes ancêtres. Je suis heureux de vous faire découvrir
l'histoire de ma famille et de ma tribu, mon mode de vie et la beauté de mon
pays. Je suis honoré de vous guider à cheval à travers wadis, djebels et siqs,
et partager avec vous le rythme de vie des nomades. La grâce de
Nour (lumière), l'énergie positive d'Assala (pure), le charme coquin de Bouma
(hibou), la majesté d'Amir (prince), la force tranquille de Rad (éclair)
affectueusement surnommé Boubou… n'attendent plus que vous !
Découvrez nos différents voyages en Jordanie.
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