
Test : Le choix d'une selle western "Wade" sur mesure
Vous êtes propriétaire d'un cheval et vous rêvez d’une selle sur mesure, faite à la main par un
véritable sellier ? Nous avons interrogé Sylvie Albin, cavalière de rando qui a fait ce choix, et Mihoc Dorel, le sellier belge de "Lerod Saddles" auquel elle a confié la "selle de sa vie".
Les avantages d'une selle "faite main"
Tous deux nous expliquent pourquoi ils ont fait ce choix du "sur mesure"... que ce soit en tant que cavalier pratiquant ou artisan !

Le témoignage de Sylvie Albin, cavalière randonneuse
et éleveuse de Quarter Horses à Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme) :
Quel type d’équitation pratiquez-vous ?
Je suis cavalière de loisir depuis toujours, je ne fais que de
la rando. J’ai longtemps monté en selle anglaise, puis je me suis mise à l’équitation
western et j’ai commencé à élever des Quarter Horses. Tout naturellement, je me
suis mise à monter en selle western, ce qui est vraiment idéal pour l’équitation
d’extérieur. Surtout que chez nous, en Drôme provençale, on a parfois des dénivelés,
des pentes raides, etc. En selle western, on est bien partout, et à toutes les
allures !
Pourquoi avoir décidé de vous offrir une selle faite main, entièrement sur
mesure ?
J’avais depuis longtemps une selle western, confortable et
qui m’allait bien, mais ces derniers mois j’ai pris quelques kilos et désormais
je suis trop serrée dedans. En plus, elle est un peu lourde. Alors, plutôt qu’acheter
une selle « industrielle », qu’on trouve partout et qui est faite en
série, j’ai eu envie de m’offrir une selle sur mesure.
Moins cher qu'une selle en série
Surtout que
contrairement à ce qu’on croit souvent, la mienne m’est revenue au final beaucoup
moins cher qu’une selle faite en série ! J'en ai vu à Equita Lyon, de fabrication industrielle, qui n'étaient pas aussi belles et qui faisaient le double de la mienne.
L’avez-vous commandée pour un cheval précis ?
En fait, ma décision a été motivée par une deuxième raison :
je viens d’acheter une petite jument de race Rocky Mountain Horse, âgée de
trois ans. C’est un cheval d’allures qui marche au « gait », l’équivalent
du tölt – cf. sur votre blog l’article sur cette race. Or, le tölt nécessite une
autre façon de se positionner en selle et de monter. Du coup j’ai cherché sur internet
un sellier artisanal qui pourrait me faire une selle parfaitement adaptée à mes
besoins, je suis tombée sur la page Facebook de Lerod Saddles et j’ai eu le coup
de cœur pour ses selles, et le sérieux de son travail. Mais cette selle n’est
pas exclusivement pour Fanie, ma petite Rocky Mountain Horse, je peux l’utiliser
aussi pour mes autres chevaux, comme Johns, mon Quarter Horse. Elle va très bien avec sa robe perlino ! Même
si ce sont des chevaux de race différente, ils sont à peu près de la même taille.

Sur le plan technique, que cherchiez-vous exactement ?
Je voulais absolument une selle Wade, parce que c’est une
selle dans laquelle on est plus près du cheval. Mais il y a plusieurs styles
dans les Wade, et le fait de faire appel à un sellier artisanal m’a permis de
lui demander exactement ce que je voulais : en l’occurrence, je voulais une
selle assez plate, qu’elle ne remonte pas trop devant, et qu’elle soit bien
creuse. En effet, il me fallait un siège assez creux pour être bien calée à l’arrière,
car pour le tölt du Rocky Mountain Horse il ne faut pas être en avant. Je lui
ai demandé aussi des étriers bien larges, pour avoir un meilleur appui.
L'autre avantage du sur mesure, c'est que du coup vous avez pu aussi
choisir la couleur, les finitions, etc. ?
Oui, je rêvais d’une selle noire avec un peu de blanc, sans
trop de motifs gravés, et franchement je suis ravie, elle est magnifique. Et j’ai
pu voir sa construction au fur et à mesure, car Mihoc m’envoyait des photos des
différentes étapes, j’ai donc vraiment vu ma selle se faire du début à la fin,
avec les progrès, c’était super de se dire « elle va être trop belle ! »
Qualité de la bouclerie
Cela m’a permis aussi d’avoir une bouclerie de grande qualité, parfaitement
inoxydable. En plus de tous les latigos noirs, je lui ai aussi demandé de me
rajouter deux boucles à l’arrière, sur le troussequin, pour pouvoir accrocher
des vêtements ou des petites sacoches.
Pour la taille, comment avez-vous fait puisque le sellier ne
vous a pas rencontrée et n’a pas vu votre jument ?
J’ai trouvé une selle qui allait parfaitement à la jument en
termes de taille, j’ai pris toutes les mesures, je lui ai envoyé aussi des
photos de la jument avec cette selle de « test », et c’est là-dessus
qu’il s’est basé pour construire la mienne.
Au final, la selle est-elle à la hauteur de vos attentes ?
Complètement : je me retrouve avec une selle splendide,
faite main et parfaitement sur mesure, personnalisée et unique. Elle est hyper
confortable, je suis super bien dessus et en plus, elle m’a coûté 1950 euros,
port compris. C’est deux fois moins cher qu’une selle industrielle !
Propos recueillis par Natalie Pilley.

Le témoignage de Mihoc Dorel, 59 ans, artisan sellier à Grez-Doiceau
(Belgique).
Vous êtes sellier en Belgique, où avez-vous appris cet art ?
J’ai vécu un an aux Etats-Unis et je me suis
formé auprès d’un grand sellier dans le Colorado, Bob Beecher, fondateur de la
sellerie « Out West Saddlery. »
Est-ce que vous en vivez ?
Non, je le fais plus par passion. J’ai un
emploi à côté, et pour mon activité de sellerie j’ai le statut d’« artisan
complémentaire » comme on dit en Belgique. S’il fallait en vivre je
devrais facturer mes selles beaucoup plus cher que je ne le fais, car c’est
beaucoup d’heures de travail pour chaque selle !
Combien de temps en moyenne ?
Cela dépend beaucoup de ce que demandent les
clients, notamment en termes de finitions, de motifs à graver dans le cuir, ça
c’est très long.
La gravure florale, un vrai "plus"
Pour une selle sans gravure, ou avec très peu de gravure, comme
celle de Sylvie, disons 50 à 60 heures de travail. Et pour une selle beaucoup
plus fignolée, avec des gravures, etc, c’est environ 100 heures de travail.
Vous ne faites que des selles western ?
En grande majorité, car je suis cavalier western moi-même,
de loisir, j’ai un étalon espagnol de 15 ans. Et je fais aussi des selles de
spectacle de style ancien, du type des années 1700 ou 1800.
La selle que vous avez faite pour Sylvie, c’est donc une Wade.
Dites-nous en plus sur ce modèle ?
En fait, Wade, c’est le nom de l’arçon et c’est le nom du
sellier qui l’a inventé. C’est un arçon dont l’angle d’ouverture au garrot est
un peu plus large que sur les autres selles, idéal pour une utilisation sur
différents chevaux, et aussi pour une équitation de travail.

La selle wade est celle qui est la plus employée aujourd’hui encore dans les ranches, car c’est vraiment une selle de travail, de ranch, elle est conçue pour rester en selle confortablement toute la journée. Et elle est idéale pour les Quarter Horses, les chevaux de ranch et de cow-boy par excellence, qui sont larges d’épaules.
Plus près du cheval
Elle est vraiment solide, et elle est moins légère qu’une selle de barrel race, par exemple. L’arçon est bas sur le cheval, au contact, avec un appui beaucoup plus large sur le dos. La selle Wade est celle qui permet au cavalier d’être plus près du cheval. Les points d’appui sont différents, et le pommeau est plus large.
En quoi est fait l’arçon de vos selles ?
Je commande des arçons faits en pin blanc, puis je les recouvre soit de rawhide (peau qui n’a pas été
tannée, à l’état brut), soit de fibre de verre. Le rawhide est un peu plus
cher, il est plus lourd. La peau est tendue, clouée et quand elle sèche, l’humidité
ne rentre plus dans l’arçon.
Quel est le poids d’une selle Wade ?
En moyenne, de 16 à 18 kilos. Les Wade sont plus lourdes que
d’autres selles. Le cuir fait 4,5 à 5 mm d’épaisseur. Mais je m’adapte aux
demandes, par exemple Sylvie m’a demandé une selle plus légère, alors sur la
sienne je n’ai mis que 3,4 mm de cuir, et sa selle ne pèse que 13 kilos. Mais
ce n’est pas courant chez les Wade.
En quoi une selle faite sur mesure, faite main,
est-elle si différente d’une selle industrielle ?
D’abord, au niveau de la qualité de l’arçon :
il faut savoir que sur la plupart des selles vendues sur le marché, l’arçon n’est
qu’une coque vide, un simple moule en fibre de verre, qui ne pèse rien.
Qualité de l'arçon
Les
selles sont faites « à la bande », de façon industrielle, avec des matériaux
prédécoupés. Quand je fais une selle, je la fais moi-même du début à la fin,
elle ne passe dans aucune autre main.

Alors que les selles sur le marché sont
faites par différentes personnes, chacune s’occupant d’une pièce en particulier,
à la chaîne. Ensuite, bien sûr il y a la qualité du cuir, et aussi les finitions,
la gravure, les latigos, la bouclerie… Une selle faite à la main, sur mesure, c’est
pour la vie !
Comment vous adaptez-vous à chaque cavalier, à
chaque cheval ?
Si possible, dans un rayon d’environ 300 km, je
me déplace pour aller voir le cheval. Sinon, je demande des photos et des mesures
précises, comme j’ai fait avec Sylvie qui habite à 1000 km de chez moi. Il me
faut beaucoup de précisions sur le cavalier d’abord : sa taille, son
poids, ses mesures au niveau des cuisses, la longueur de ses jambes…. Mais
aussi son niveau de monte western et qu’est-ce qu’il fait avec son cheval. Tout
cela va déterminer la future selle !
Adapter la selle à la discipline
Par exemple, pour un cavalier qui travaille avec des vaches, je fais des
étrivières différentes, avec un dégagement un peu plus vers l’avant, parce que
le cavalier, pour pouvoir stopper net, va avoir besoin d’un mouvement plus
ample vers l’avant. Et pareil pour le cheval, bien sûr : sa
race, ses mesures, sa morphologie, ses habitudes, ce qu’il fait avec son
cavalier, etc.
Par exemple, les Quarters ont le dos court et la selle ne doit
pas être trop longue à l’arrière, pour ne pas se retrouver sur les reins du
cheval. J’ai besoin de mesures très précises, que je prends, si je suis sur place,
avec un fil de fer souple, je mesure l’inclinaison au niveau des flancs, la
forme de la colonne vertébrale, etc.
Et le siège ? Matelassé ou pas ?
C’est un peu à la mode des sièges matelassés
maintenant, mais certains préfèrent encore le siège dur, comme sur les selles
de cow-boys traditionnels. En fait, il faut savoir que sur une bonne selle,
même dure, on n’a pas mal aux fesses, ce qui compte ce n’est pas la matelassure
mais la construction de la selle !

Où sont vos clients ? En Belgique, en France,
ailleurs ?
En Belgique, c’est plutôt du côté flamand, où il
y a plus de cavaliers western. Chez les Wallons, il y plus d’équitation
classique. J’ai aussi des clients dans le nord de la France, parce qu’autant on
trouve beaucoup de matériel western dans le sud, autant dans le nord les gens
me disent que c’est difficile à trouver. L’équitation western est d’ailleurs plus
développée en Suisse, en Italie et en Allemagne que chez nous !
En moyenne, quel prix faut-il mettre pour avoir
une selle de chez vous ?
Le plus souvent, en général, je dirais entre
2400 et 3000 euros. Mais cela peut être inférieur ou supérieur en fonction de
ce que les gens veulent et demandent en plus – ou au contraire demandent en
moins. Il y a des « options », comme pour les voitures !
Le critère de l'épaisseur du cuir
Celle
de Sylvie a fini à moins de 2000 euros parce qu’elle m’a demandé de lui faire une
selle plus légère, donc j’ai mis moins d’épaisseur de cuir, et quasiment pas de
motifs. Mais récemment, j’ai fait une selle très travaillée, qui m’a demandé
une centaine d’heures de travail et qui a coûté 4800 euros. Une chose est sûre :
quand on a une selle faite sur mesure, à la main, c’est pour la vie !
Propos recueillis par Natalie Pilley. Photos © Mihoc Dorel

Découvrez le travail de Mihoc Dorel sur sa page Facebook Lerod Saddles
Et son site Internet
En savoir plus sur l’histoire de l’arçon Wade
Le saviez-vous ? L’arçon Wade doit sa popularité aux
deux plus grands chuchoteurs américains, aujourd’hui disparus, Tom Dorrance et Ray
Hunt…
Le texte qui suit est extrait du site horse-village, très riche sur le matériel western, les chuchoteurs, etc. Cliquez sur leur page consacrée à l'arçon Wade. Tous Droits Réservés).
"Il était une fois … ce serait un bon début pour raconter
l’histoire de cette selle western, qui est encore ou faut-il dire justement,
aujourd’hui très recherchée pour les qualités de son arçon. Un cowboy nommé
Clifford Wade travaillait sur un ranch dans le Wallowa County, Oregon
(Etats-Unis) avec un bonhomme qui rentrera plus tard dans toutes les références
comme le vrai père du natural horsemanship, Tom Dorrance. Déjà à l’époque une
capacité hors pair.La famille de Clifford Wade avait participé au fameux Oregon
trail, pour gagner l’Ouest. Avec eux ils ont emmené de l’Est une selle
d’origine inconnue. C’est par héritage que Clifford était en possession de
cette selle.
Tom Dorrance, le plus ancien des "chuchoteurs"
Tom Dorrance était en admiration pas seulement du savoir
faire de Clifford avec le bétail ou les chevaux, mais aussi de sa selle. D’après monsieur Dale Harwood, sellier artisan reconnu dans
l’Idaho (Etats-Unis), c’est en 1939 que Tom Dorrance arrive chez Hamley &
Compagny Saddleshop à Pendleton, Oregon, avec la selle de Clifford Wade, pour
commander une nouvelle selle, faite sur une copie exacte de l’arçon (saddle
tree) de la vieille selle de Clifford.
En 1940 Tom Dorrance revient chez « Hamley’s », pas du tout
content de la selle. Il travaille alors avec Walt Youngman, le spécialiste des
arçons chez Hamley. A cette époque, l’entreprise Hamley produit encore les
arçons et les selles chez eux. La selle ainsi produite est restée la selle de
Tom Dorrance pendant sa longue carrière de « psychologue des chevaux ».

Dorrance et Wade
Voici d'ailleurs quelques précisions importantes apportées par Antoine Cloux, traducteur du livre "True Unity" de Tom Dorrance : "Tom Dorrance a modifié
l’arçon Wade. Ce qu'il appréciait c'était la forme des barres de l'arçon qui
s'adaptaient à un maximum de chevaux aux morphologies différentes (un cowboy ne
peut pas avoir une selle pour chacun de ses chevaux, c'est pour cela qu'elle
est aussi populaire pour les professionnels et ceux qui font du débourrage).
Mais il a modifié le pommeau, en le faisant plus gros pour pouvoir offrir plus
de résistance de frottement lorsqu’on fait des tours avec le lasso autour du
pommeau – et, de ce fait , bloquer graduellement la vache attrapée sans
occasionner d'à-coups pour elle et pour le cheval.
Mieux protéger le cheval
Il a aussi affiné
l'épaisseur de l'arçon devant, entre les deux barres (sous le pommeau) afin
d'abaisser l'endroit où se trouve le pommeau. Cela permet de diminuer l'effet
de bras de levier lorsqu'on attrape une bête et ainsi d’éviter que l'arrière de
la selle se lève et que l'avant appuie trop de chaque côté du garrot. Ainsi
la selle tient mieux en place et protège le cheval.

Dernière modification
effectuée par Tom Dorrance : la création
d'une sorte de 'lèvre" devant le pommeau afin de bloquer et débloquer le lasso facilement
sans faire de nœud lorsque le cavalier doit descendre de cheval pour soigner la
vache attrapée. Quand on parle de "lèvre", c’est en fait l’arçon qui fait un plat devant le pommeau, ce qui permet de pincer pour bloquer le lasso dessus lorsque celui-ci est tendu - vu que l'on a une bête attrapée au sol ! Le cavalier peut ainsi défaire son lasso instantanément et éviter que le
cheval ou la vache ne se trouve coincé et panique en cas de difficulté. Tom Dorrance avait
bien pensé au bien-être des animaux !! Ces selles sont populaires et parfois
mal copiées."
Ray Hunt, adepte de l'arçon Wade
En 1961 monsieur Dale Harwood, encore maintenant cowboy sur
plusieurs ranches dans le Nevada et l’Oregon, décida de fabriquer des selles
pour le cowboy travailleur (buckaro) et ouvrira sa propre sellerie. En 1962 c’est Ray Hunt qui vient demander de lui fabriquer
une selle basée sur l’arçon Wade, le « wade-tree ».
En suivant les instructions
de Harwood, la selle de Ray Hunt devient « la » référence pour le wade-tree,
parce que Ray Hunt utilise la selle dans ses nombreux stages, formations et
démonstrations partout dans aux Etats-Unis et au Canada.
Les avantages d’une selle avec un arçon Wade, si on écoute
les utilisateurs, sont nombreux. Ce sont presque toujours les cowboys qui
travaillent le bétail qui aiment la selle pour ses qualités.
Un pommeau bas pour le roping
La selle Wade est
plus proche du cheval qu’une selle western « normale », ce qui donne une
meilleure position au cheval pour tenir une vache au bout de la corde.Le pommeau est bas et ne dérange pas du tout pour le roping
et son bout facilite le « dallying » (tourner la corde autour du pommeau). Pour
finir (toujours d’après les cowboys qui travaillent le bétail tous les jours),
la selle une fois mise sur le dos du cheval ne bougera plus.
Voilà la petite histoire d’un arçon qui est toujours
populaire et est même sur le chemin d’un come-back formidable ».
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