Une nécropole équine unique au monde en Russie
Le saviez-vous ? Les montures des tsars eurent l’immense honneur de bénéficier d’une maison de retraite,
puis d’un lieu de repos éternel, à l’ombre du palais de Tsarskoïé Selo... Reportage exclusif pour le Mag des Cavaliers Voyageurs !
Première "maison de retraite" pour chevaux
Pour fêter la nouvelle année, rendons hommage aux chevaux de Russie... Un pays qui n'en finit plus de nous faire rêver !
Savez-vous que la toute première « maison de retraite pour chevaux » de l’histoire fut édifiée au 19ème siècle, en Russie ? Plus précisément à Tsarskoïé Selo, près de Saint-Pétersbourg.
C’est le tsar Nicolas Ier, à peine
intronisé après la fameuse révolution manquée des « décembristes »,
qui ordonna en janvier 1826 de faire construire, à côté du palais, une "petite" écurie avec quelques boxes.
L’objectif avoué était d’offrir un lieu de
retraite paisible à son cheval favori, le fameux « L’Ami », cheval
gris dont il avait hérité à la mort de son frère Alexandre Ier – celui-là même
que le vainqueur de Napoléon chevauchait lorsqu’il pénétra dans Paris en 1814
avec ses cosaques… Comme s’il n’y avait rien de plus urgent, le nouveau tsar fit de la
création de son « hôtel des chevaux invalides » l’un des tout
premiers oukazes de son règne !
Quelques années plus tard, « L’Ami » mourut. Lorsqu’on lui posa la
question : « Que fait-on de votre cheval ? », Nicolas Ier
répondit : « On l’enterre, bien sûr ».
Voilà
comment fut fondée la plus grande nécropole équine de la planète, réservée aux
chevaux de la famille impériale et de l’aristocratie russe.
120 chevaux enterrés
Pas moins de cent vingt chevaux y furent enterrés, parmi lesquels les montures préférées des
tsars Nicolas Ier, Nicolas II, Alexandre II, Alexandre III…
Sur chaque dalle de
marbre étaient gravés la date de naissance et de décès, les exploits accomplis
par le cheval, mais également le nom du propriétaire. Fait très rare dans les
cimetières russes, plutôt « bohèmes », les pierres tombales étaient
érigées selon un parfait alignement – même dimension, même hauteur, même
espacement… - qui était comme la signature du monarque russe, épris d’ordre
prussien et de rigueur allemande.
Après
la révolution russe, ce lieu chargé d’histoire et d’émotion fut laissé
totalement à l’abandon. Durant le fameux « siège de Léningrad », de
septembre 1941 à janvier 1944, l’armée allemande occupa les lieux. La petite
écurie fut transformée en atelier de soudure, et les soldats ne manifestèrent
aucun intérêt pour ces pierres tombales érigées en hommage à des chevaux !
Menacée par les bulldozers
Dans
les années 1985-90, la nécropole équine de Tsarskoïé Selo, devenue un dépotoir,
était sur le point d’être rasée au bulldozer...
C’était compter sans la
détermination de Jean-Louis Gouraud, écrivain-voyageur français. Ce formidable
érudit et encyclopédiste du cheval, qui avait effectué le trajet de Paris à Moscou avec deux Trotteurs (3333 km exactement !) livra un combat acharné pour collecter des
fonds et entreprendre la restauration de la nécropole.
Un périple inédit : Paris-Moscou à cheval !
Reçu au départ avec beaucoup de méfiance par les Soviétiques, Jean-Louis
Gouraud parvint à convaincre le ministère des Affaires culturelles que la
nécropole équine de Tsarskoïé Selo devait être préservée. Sur les cent vingt tombes, quatre-vingt purent être nettoyées, restaurées et sauvegardées.
80 tombes sauvegardées
Aujourd’hui,
même s’il reste encore des choses à accomplir, la notoriété du site le met à l’abri de toute menace de démolition
ou même de simple abandon. Les sommes que Jean-Louis Gouraud a réunies pour
aider à sa restauration auront, au moins, permis cela : sauver de l’oubli et de
la destruction un lieu unique au monde, et faire prendre conscience de son
intérêt sinon artistique, du moins historique.
Pour en savoir plus : le livre de Jean-Louis Gouraud aux éditions Belin, Russie des chevaux, des hommes et des saints
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