Laetitia Goncalves, à l'écoute des chevaux d'endurance

Laetitia Goncalves, à l'écoute des chevaux d'endurance

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 A 28 ans, notre double championne de France, deux fois médaillée aux Championnats du monde, a quitté son Lot natal pour le Portugal, où elle élève et entraîne des chevaux Arabes.

 L’endurance équestre : une passion de famille 


« L’obstacle, le dressage… Tout ça ne m’attirait pas. Rien d’autre ne m’intéressait que l’endurance ». Laetitia Goncalves, 28 ans, serait-elle tombée dans la marmite de cette belle discipline d'extérieur à sa naissance ? « Mon père en faisait depuis sa jeunesse, et petit à petit il avait monté son propre élevage, confirme la jeune femme. Très tôt, mon frère Alexandre et moi avons appris à monter et entraîner les chevaux pour cette discipline. »

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Savoir gérer les allures de son cheval est la clé du succès @Blog Cheval d'Aventure

Une pouliche demi-sang Arabe en cadeau


Très tôt, en effet : à 8 ans, la petite cavalière du Lot effectuait sa première course sur un cheval appartenant à Dominique Meyzein, son moniteur ! « Depuis un ou deux ans je montais à poney, en club, pour apprendre l’équitation, mais ce club ne pratiquait pas l’endurance et je me suis arrêtée au Galop 5, explique-t-elle. A l’adolescence, j’ai reçu un cadeau magnifique : Jasmina des Ayssades, une pouliche demi-sang Arabe qui venait de naître à la maison et que mon père a mise à mon nom à sa naissance. Il m’a dit ‘’ce sera ta jument d’endurance, c’est toi qui l’entraîneras’’. Et c’est avec elle que j’ai intégré l’Equipe de France. »

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Les Pur-Sang Arabes excellent en endurance @Blog Cheval d'Aventure

Au collège, Laetitia et son frère Alex (de deux ans son aîné) rejoignent leur père après l’école pour des balades ou des « petites » courses de 40 km : « On s’entraînait au lieu de faire nos devoirs ! » Après la troisième, Laetitia s’inscrit en CAP de coiffure dans l’objectif de gagner rapidement sa vie. « Et c’est ce que j’ai fait : je me suis installée coiffeuse à domicile, à mon compte, ce qui me laissait du temps libre. Mon métier me permettait de gérer mon planning et d’entraîner mes chevaux.»

Apprendre la gestion du cheval d'endurance


Une méthode originale qui, grâce à la ténacité de la jeune fille, porte ses fruits et lui permet d’atteindre le haut niveau. En 2009, lors de sa dernière année d’Equipe de France en junior, Laetitia remportera avec Jasmina la médaille de bronze en individuel et la médaille d’or par équipe aux Championnats du Monde à Balbona, en Hongrie ! Pendant six ans, Laetitia continue d’alterner la compétition d’endurance et son métier de coiffeuse à domicile, enchaînant les victoires en France et à l’étranger. Avec Jasmina, mais aussi avec les Pur-Sang Arabes de Jack Bégaud, ami de longue date de son père et grand homme de l’endurance en France : « Cela fait dix ans que je monte ses chevaux. Il est installé près de chez moi, dans le Quercy. J’ai énormément appris avec lui, notamment en termes de gestion du cheval d’endurance. »

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Dans le feu de l'action avec Tamtam Tokay, Laetitia est assistée de Jack Bégaud @ Blog Cheval d'Aventure

Hélas, en 2012, c’est l’accident… mais pas d’équitation : « J’ai toujours été sportive, et je faisais aussi du foot. Lors d’un match, je me suis cassé le ligament croisé du genou droit. » Résultat : deux opérations, et pas de sport pendant un an et demi ! « J’étais démoralisée, se souvient-elle. Je pensais que je ne pourrais plus jamais remonter à cheval. Je ne faisais plus rien, je restais à la maison, j’ai pris dix kilos… »

Reprendre confiance après l'accident


Enfin, l’envie de sortir de cette léthargie revient. A force de courage et de rééducation, Laetitia retrouve le chemin des écuries : « Au tout début, j’ai préféré monter une jument Connemara très calme parce que j’avais besoin de me remettre en confiance à l’équitation, tout doucement. J’ai fait des balades autour de la maison, avant de reprendre l’entraînement. En même temps, j’aidais mes parents qui tiennent une boulangerie. J’y ai travaillé pendant trois ans, j’avais arrêté définitivement la coiffure pour avoir mes week-ends libres pour la compétition. Et puis, comme la boulangerie fermait entre midi et 17 h, et après 19 h, chaque fois que j’avais du temps libre, je partais m’entraîner ! De fil en aiguille, j’ai repris du poil de la bête et je suis ressortie en course avec mon frère .»

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Fière d'être membre de l'Equipe de France avec Tamtam Tokay @Blog Cheval d'Aventure

Bosseuse, courageuse, persévérante… Petit à petit, Laetitia retrouve confiance en elle. Elevée depuis toujours « dans le respect et les valeurs du travail » par ses parents,  elle ne ménage pas sur les efforts pour remonter la pente – « peut-être parce que j’avais vraiment cru devoir tirer un trait sur ma carrière de cavalière après l’accident. »

160 km, la plus longue course d'endurance


En 2015, à l’âge de 26 ans, Laetitia prend le statut d’autoentrepreneur en tant qu’entraîneur de chevaux d’endurance. « Cela me permet d’être rémunérée et de vivre de l’endurance. Entre les entraînements, les compétitions de jeunes chevaux confiés par des propriétaires et les courses de haut niveau, de mars à fin novembre, je suis très prise. » Jack Bégaud lui confie de nouveau ses chevaux à monter, et la jeune femme enchaîne les podiums - cette fois en Equipe de France senior : double Championne de France en 2015 et 2016, sur 160 km (la plus longue course d’endurance),  médaille d’argent par équipe (et 14ème sur plus de 200 partants en individuel) aux Championnats du Monde en Slovaquie en 2016… Oubliée la longue traversée du désert !

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Laetitia félicite sa monture, Tamtam Tokay, qui m'a emmenée au très haut niveau  @Blog Cheval d'Aventure

En revanche, ce n’est plus avec Jasmina, blessée en 2010 lors d’une course d’endurance à Compiègne et qu’elle a préféré mettre à la retraite : « Je n’ai pas voulu prendre de risque pour sa santé. Elle a 20 ans aujourd’hui, elle vit à la maison où je la vois tous les jours, et elle m’a fait cinq bébés. D’ailleurs, son premier poulain, je le monte pour la première fois cette année ! »

Akima, sa jument de cœur


Pour assurer le relais de Jasmina, Laetitia a acheté une jument d’un an, Akima des Ayssades, qui a  ¾ de sang Arabe. En juillet 2017, Akima lui offre sa première victoire sur une 90 km : « A Barre-des-Cévennes, où j’allais pour la première fois, j’ai remporté la course avec elle. J’ai été très surprise du résultat, parce que c’était sa première grande épreuve, et je ne la connais pas trop à haut niveau ! Et puis, quand c’est votre propre cheval et non un cheval confié par un autre propriétaire, ça change tout… Moi qui ne suis pas du genre stressé, j’ai beaucoup stressé avant la course. Justement parce que je montais ma jument, et que je l’avais entraînée depuis toute petite. C’est moi seule qui l’ai amenée jusque-là, de ses débuts à aujourd’hui. Nous avons gagné ensemble, et ça fait chaud au cœur ! »

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Tamtam Tokay lors du  stage en Equipe de France @Blog Cheval d'Aventure

L'été dernier à Barre-des-Cévennes, Laetitia a également réussi la belle performance de qualifier Anir de la Teulière, un Pur-Sang Arabe appartenant à Jack Bégaud : «Je le monterai donc pour les Championnats du Monde 2017 des chevaux de 7 ans, une course de 120 km qui se déroulera à Bruxelles. En même temps auront lieu les Championnats d’Europe, où je monterai cette fois un autre cheval de Jack, Tam-Tam Tockay, Pur-Sang Arabe de 10 ans. Sur cette autre course, une 160 km, je serai engagée en tant que membre de l’Equipe de France. »


Le Pur-Sang Arabe, roi de l'endurance


Sur la race mythique des « buveurs de vent », Laetitia ne tarit pas d’éloges : « On voit maintenant beaucoup d’Anglo-Arabes sur les courses d’endurance, mais le Pur-Sang Arabe reste le cheval idéal. Il est le plus résistant, et puis il a un caractère formidable, il est très affectueux avec l’homme… Monter un Arabe en endurance, c’est doublement un plaisir ! »
Un plaisir égal à nul autre pour la jolie championne lotoise : « Ce que j’aime dans l’endurance, comparée à d’autres disciplines équestres comme le CSO par exemple, c’est qu’on passe plus de temps avec son cheval. L’épreuve dure plusieurs heures, voire des journées entières. Au fil des kilomètres, on ressent les évolutions du cheval. On n’est pas enfermé dans une carrière, on part à l’aventure… C’est magique ! »

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Stage à Lignière, en Equipe de France, avec son ami de course Allan Léon @Blog Cheval d'Aventure

Déjà, en soi, l’entraînement du cheval d’endurance s’effectue toujours dans la nature : « Tous les jours, je fais des balades de 1 à 2 heures, voire des randos à la journée ou même de plusieurs jours. L’équitation d’extérieur, c’est la base de l’entraînement. Et notre région du Lot est si belle ! »

rrivée à  Bruxelles, au  championnat d'Europe 2017 avec Allan Leon
rrivée à Bruxelles, au championnat d'Europe 2017 avec Allan Leon

Sur le plan sportif, aux yeux de Laetitia, l’endurance est aussi la discipline dans laquelle on est le plus à l’écoute de son cheval : « Pour se qualifier, et plus encore pour gagner, il faut savoir écouter notre cheval. Pour moi l’endurance c’est ça, et c’est le secret pour réussir. » Rien d’étonnant à ce que les coureurs à pied comprennent mieux que personne les efforts que doit fournir le cheval d'endurance lors d’une course ! « Surtout lorsqu’il y a du dénivelé, comme c’est le cas à Florac, à Barre-des-Cévennes… Personnellement, je préfère ces terrains accidentés que les pistes toutes plates de Dubaï !» 

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Course à Samorin avec Tamtam Tokay et  Teotihuacan des Greys@Blog Cheval d'Aventure

Dubaï… Un Eldorado qui fait rêver bien des cavaliers d’endurance ! « J’y ai été invitée à courir trois fois, c’était une belle expérience, raconte Laetitia avec gratitude. J’ai eu la chance de participer à la « Sheikh Mohammed Cup », la « Présidente » d’Abu Dhabi (où j’ai terminé 14ème) et  la « Ladie’s », une course d’endurance réservée aux femmes. »

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Uliman des Ayssades, née dans le Lot, en course à la Sheik Mohammed Cup à Dubaï @Blog Cheval d'Aventure

Justement, comment Laetitia a-t-elle perçu la condition féminine des cavalières aux Emirats Arabes ? « On n’arrive pas à avoir de contacts là-bas avec les femmes, et les cavaliers français restent entre eux, reconnaît-t-elle. D’une façon générale, par rapport à l’endurance telle qu’elle se pratique en France et en Europe, c’est vraiment un autre monde ! »

Le Portugal, terre équestre par excellence


Jamais blasée, toujours curieuse et avide de découvrir d’autres cultures équestres, Laetitia a pris une décision importante : quitter la France et partir s’installer au Portugal… Très exactement à Elvas, à deux heures de Lisbonne, où elle réside depuis septembre 2017 : « Je suis d’origine portugaise, et depuis toute petite j’ai toujours dit que j’irais un jour ! confie-t-elle. J’avais envie de changer d’air, et de monter ma propre écurie. Jose Luis Balsinhas, mon copain, est portugais, il est également cavalier d’endurance. Nous sommes complémentaires, car Jose Luis débourre les chevaux alors que moi je préfère les entraîner une fois débourrés. C’est un beau projet commun. D’ailleurs, mes parents m’y encouragent. Et puis je reviendrai courir en France ! »

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Partir à l'aventure dans les paysages du Lot, le bonheur de l'endurance !  @Blog Cheval d'Aventure

C’est d’ailleurs ce qu’a fait Laetitia le dernier week-end de février 2018, un aller-retour express pour participer à la première course d’endurance de la saison : « Les 2 jours du Quercy », organisée par Jean-Marie Laudat, que nous vous avons racontée sur le blog : « C’était l’occasion de revenir à la maison quelques jours, mais aussi de revoir Akima !" nous a confié Laetitia après la course. En effet, la jument restera à la retraite dans le Lot « car il y a tout de même plus d’herbages bien verts qu’au Portugal ! De toute façon, Elmas n’est même pas à deux heures d’avion, et les vols ne sont pas chers. »

Les nouvelles écuries de Laetitia au Portugal attendent les futurs champions ! @Blog Cheval d'Aventure
Les nouvelles écuries de Laetitia au Portugal attendent les futurs champions ! @Blog Cheval d'Aventure

Certes, dans cette région du Portalegre où Laetitia et Luis se sont s’installés, les terrains sont assez plats… « Mais le week-end, nous pourrons emmener les chevaux en camion dans les montagnes au-dessus, où mes parents ont une maison. » Vous l’aviez compris : la passion de l’endurance chez les Goncalves ? Une histoire de famille !







Article paru dans le magazine Cavalière 66

Pour suivre l'actualité de Laetitia Goncalves : sa page Facebook  

Merci à Nathanaëlle Melhano et Marie Bégaud pour les photos.








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