Elodie Leclercq, podologue équin
Elodie Leclercq est installée depuis
cinq ans comme podologue équin. Cavalière de randonnée et meneuse d’attelage avec
ses trait boulonnais aux pieds nus, elle soigne essentiellement des chevaux d’extérieur.
Une démarche éthique, entièrement tournée vers le bien-être et le confort du
cheval…
Bien-être
du cheval pieds nus
"Pas de pied, pas de cheval", dit le vieil adage… Et ce
n’est pas Elodie Leclercq, 29 ans, qui dira le contraire !
Chaque jour, cette
dynamique jeune femme, cavalière et maman d’un bébé de 6 mois, se félicite de
vivre de sa passion : la podologie équine. Une profession récente par rapport à la maréchalerie traditionnelle
et qui prend un incroyable essor depuis quelques années, notamment auprès des cavaliers
de loisir et de randonnée - heureux de chevaucher sur les sentiers de pleine nature
avec des chevaux « au naturel », non ferrés. Pour le blog de Cheval d’Aventure,
Elodie a bien voulu évoquer son parcours et répondre à nos questions :
Elodie, depuis quand êtes-vous cavalière ? Etes-vous
issue d’un milieu familial équestre pour avoir choisi cette voie ?
Pas du tout ! Mais j’ai toujours aimé les chevaux
et j’ai commencé à monter en club à 5 ans. Je ne me suis jamais intéressée aux
concours, j’ai toujours été surtout une cavalière d’extérieur. Ce que je préfère,
c’est le contact avec le cheval : je passais d’ailleurs plus de temps au
club à m’occuper des chevaux qu’à prendre des cours d’équitation.
Découverte de l'attelage
En entrant au lycée, j’ai changé de club et j’ai
trouvé un centre d’attelage qui avait besoin de temps à autre de cavalières
pour sortir leurs chevaux en extérieur. C’est là que j’ai découvert l’attelage.
Que vous a apporté l’attelage ?
C’est une discipline pointue et exigeante, qui offre un
contact différent avec le cheval en termes de confiance, du fait qu’on n’est
pas sur son dos. Cela m’a donné l’idée de monter mon projet professionnel, et après
mon bac général ES, j’ai d’abord fait un BTS Gestion et Protection de la
Nature, puis vers 21 ans j’ai passé mon diplôme de Meneur-ATE (Meneur et
Accompagnateur de Tourisme Équestre).
Poulains boulonnais
J’ai alors pu commencer à travailler avec
mes propres chevaux, deux trait boulonnais : Trotte, une jument que j'ai achetée pouliche, et Nakadia, un hongre de 10 ans. Ils ont aujourd’hui 12 et 18 ans, ils
sont montés et attelés… et depuis que je les ai, ils ont toujours été pieds nus. Plus exactement, Trotte a toujours été pieds nus ; en revanche j’ai
acheté Naka ferré, et je l’ai déferré aussitôt.
Garder vos chevaux pieds nus, surtout en tant que meneur,
c’était plutôt précurseur… et mal vu, non ?
Pour moi, ça allait de soi. Je m’étais renseignée sur
le sujet et ça me paraissait logique, normal qu’un cheval ne soit pas ferré. Mais
dans le milieu de l’attelage, on me faisait beaucoup de réflexions : « Tu
ne pourras jamais faire de l’attelage avec des chevaux pieds nus, et encore
moins de la randonnée ».
Par esprit
de contradiction, j’ai voulu prouver que ce n’était pas vrai ! La
problématique, c’était de trouver des professionnels qui veuillent bien soigner
les pieds de mes chevaux, et les suivre. Comme je ne trouvais pas, j’ai décidé de
faire moi-même l’entretien des pieds de mes chevaux, suite à un stage avec Patrick Martin - celui-là même qui, en 2006, pour prouver qu’on peut randonner avec des chevaux pieds nus, était parti du Gard pour aller jusqu’à Equita Lyon à travers les Cévennes.
Auprès de qui vous êtes-vous formée ?
Il faut savoir que les podologues équins (on parle
aussi de pédicures équins) ne sont pas reconnus. C’est le même problème que les
dentistes ou ostéopathes équins avec les vétérinaires, on est à la limite de l’illégalité,
et on est en conflit juridique avec l’Union de Maréchalerie Française.
Profession non reconnue
Du coup,
les formations ne sont pas reconnues non plus. J’ai fait une partie de ma formation
avec l’école Lapierre, une technique qui vient des Etats-Unis, et ensuite en
Savoie, avec une formatrice suisse (EPH, école de
parage holistique Suisse). Et comme
mon activité de meneur était saisonnière et que je ne gagnais pas grand-chose,
j’ai décidé de devenir podologue équin à temps plein. Je me suis installée en
juin 2015, avec un statut d’auto-entrepreneur. Le paradoxe, alors que nous ne
sommes pas reconnus, c’est qu’officiellement j’ai pu cocher une case « pédicure
équin » pour mon activité, qui existe sur le plan administratif, et que la
demande est énorme aujourd’hui ! On refuse régulièrement de nouveaux
clients.
Dans quel milieu équestre y a-t-il le plus de demande ?
Clairement le milieu du loisir, de la randonnée
équestre. D’un côté c’est compréhensible, parce que c’est dans ce milieu qu’on
retrouve le plus notre philosophie, une démarche globale d’éthique, de relationnel
avec le cheval, d’attention à son bien-être, etc.
C’est pour cela aussi qu’il y
a plus de filles installées podologues équins, alors qu’en maréchalerie traditionnelle,
même si ça change un peu aujourd’hui avec la jeune génération, il y a une
majorité d’hommes. D’un autre côté, on retrouve un paradoxe car avoir un cheval
pieds nus pour faire du dressage ou de l’obstacle en carrière, sur du sable, c’est
plus facile que sur des sentiers de randonnée caillouteux !
On sent chez vous une grande passion pour votre métier :
qu’aimez-vous le plus ?
C’est riche et passionnant parce qu’on regarde le
cheval dans sa globalité. On n’est pas là juste pour passer un coup de râpe,
loin de là ! On s’intéresse aussi à sa locomotion, ses conditions de vie, son
alimentation, le travail que lui demande son propriétaire…
S'adapter à chaque cheval
Il faut constamment s’adapter
à chaque cheval, car chaque individu est différent, on n’applique pas bêtement
une méthode de parage. Ce n’est pas figé. Et il faut un dialogue constant avec
le propriétaire, qui doit vraiment s’impliquer dans la démarche si on veut que
le cheval soit performant pieds nus. Surtout lorsque le cheval a longtemps été
ferré : si on le déferre, il va y avoir tout un protocole de
réhabilitation, une vraie rééducation. Un peu comme après un membre qui a été plâtré
et doit être rééduqué ! Ce qui est sûr, c’est qu’avec un cheval qui n’a jamais
été ferré, ce sera toujours plus facile de le mettre pieds nus.
Comment réagissent les autres professionnels du
cheval, notamment les vétérinaires ?
C’est ça que j’aime aussi : on travaille vraiment
de concert avec les autres professionnel comme les vétérinaires – ils sont de
plus en plus ouverts aujourd’hui aux pieds nus, plus nombreux à ne pas être
hostiles ou réfractaires, à s’intéresser à notre démarche… - et surtout les ostéopathes.
Là encore, il s’agit de globalité : je n’hésite pas à orienter un cheval vers
l’ostéo si je vois un problème de locomotion qui n’est pas de mon ressort. C’est
un cercle vicieux ou vertueux !
Travailler en globalité
Je collabore aussi avec des professionnels qui travaillent sur la circulation des énergies, comme les praticiens de shiatsu équin.
En tant que cavalière d’extérieur, comment pratiquez-vous
l’équitation pieds nus ?
Je fais régulièrement des balades avec mes chevaux sur
quelques heures ou une journée, et parfois une semaine entière de voyage à
cheval, dans le Vercors, la Haute-Ardèche, la Loire, vers les monts du Forez… Et
je sors aussi de temps en temps en TREC.
Comment réagissent les autres cavaliers en voyant vos
chevaux pieds nus ?
J’ai moins de réflexions en rando qu’en TREC ! Mais globalement, les pieds nus, ça prend vraiment
beaucoup aujourd’hui dans l’équitation de pleine nature…
Que pensez-vous des chaussures équines ?
Je n’en utilise pas pour mes propres chevaux parce qu’ils
n’en ont pas besoin, mais ça peut être vraiment utile. Surtout qu’aujourd’hui
elles ont beaucoup progressé techniquement, elles sont plus légères, plus
faciles à mettre… C’est idéal pour la transition quand on vient de déferrer,
par exemple. De toute façon, je ne suis pas une ayatollah du « pieds
nus », et jamais d’accord avec ceux qui disent qu’il faut laisser souffrir
le cheval déferré le temps qu’il s’habitue, etc.
Refuser la douleur
En termes d’éthique, c’est
inacceptable : un cheval ne doit jamais être en douleur. On vient apporter
un soin, apporter du confort. Si le cheval n’est pas bien après notre passage,
il y a un problème qu’il faut résoudre. Aujourd’hui le pied nu est de plus en
plus recherché et on a de plus en plus d’outils, comme ces bandes de résine
pour le pied.
En endurance, on voit de plus en plus de chevaux pieds
nus, mais uniquement sur les petites courses, n’est-ce pas ? Au-delà, ils doivent
porter des chaussures s’ils ne sont pas ferrés ?
Oui, et c’est normal ! Parce que sur des courses
de 120 ou 160 km on passe au-delà de la physiologie du cheval.
Au naturel, un
cheval parcourt environ 50 km par jour, ce n’est pas naturel pour lui de parcourir
le double ou le triple. Donc c’est normal de protéger ses pieds avec des
chaussures. D’ailleurs, est-ce normal de lui faire parcourir 120 ou 160 km en
une journée ? Mais bon, là c’est un autre débat…
Vous faites un métier très physique… Pas trop
difficile, surtout quand on a accouché il y a six mois ?
Ce qui a été difficile, c’est de reprendre le travail en
été, dans ma région de Provence, avec la canicule ! Mais j’ai repris à
temps partiel pour le moment.
Contact avec les chevaux
Et forcément, j’ai un peu moins de temps pour passer
du temps avec mes chevaux, et c’est ça qui me manque le plus : le contact
avec mes chevaux. Mais ça reviendra !
Dernière question : randonner sur des chevaux de
trait boulonnais... ça fait quoi ??
J’adore ! Les boulonnais ont du sang arabe, ils sont
très vifs, et aux trois allures ! Bon, évidemment, il faut faire attention
aux branches basses en rando : Trotte mesure mesure 1,73 m et Naka 1,78 m !
Propos recueillis par Natalie Pilley
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