Irlande, histoire d’une terre cavalière
Vous vous intéressez à l’histoire en général, et aux chevaux
en particulier ? Nul doute que l'histoire du cheval en Irlande, terre équestre vieille de 2500 ans, fera
appel à votre imaginaire et vos envies d'évasion...
Un héritage équestre celtique
En Grande-Bretagne, le cheval est sacré… et pas seulement dans
le cœur de la reine Elisabeth II, grande cavalière devant l’Eternel !
Terre équestre par excellence, l’Irlande est riche d’une
histoire liée aux chevaux depuis plusieurs millénaires puisqu'elle remonte jusqu’aux Celtes, envahisseurs de l´île verte en 750 av. J.C. en compagnie de leurs propres
chevaux, de races diverses. Il s'agissait essentiellement de chevaux Espagnols et Orientaux qu’ils
croisèrent avec les juments locales.
Plus tard, au Moyen Âge, l´Irlande fut
colonisée par les Normands anglais, qui élevaient des chevaux beaucoup plus
grands et lourds. Ils les croisèrent avec les chevaux irlandais afin d´obtenir
un équidé plus puissant, toujours capable d´effectuer les travaux de la
ferme, mais aussi de parcourir les terrains de chasse et de travailler sous la
selle.
A partir du XVIIIe siècle, ce cheval irlandais issu de ces
multiples croisements reçut des infusions de sang Pur-Sang Anglais. La
sélection permit alors d’obtenir un cheval de très belle conformation, toujours
capable de travaux lourds, mais aussi de briller à la course et au saut d'obstacles.
L'élevage irlandais en péril
Durant
la célèbre famine de 1845-1846, les effectifs du cheptel équin diminuèrent et l´élevage de chevaux irlandais faillit disparaître à
jamais. Ce n´est qu´à la fin du 19ème siècle que la race irlandaise connut
un nouvel essor, compromis à un moment
par la guerre de 14-18 : en effet, malgré l’ouverture du Stud-Book du
"Trait Irlandais" en 1917 par le ministère de l´Agriculture et des
Pêcheries, les meilleures juments furent réquisitionnées par l´armée pour le
transport des canons. Elles y étaient particulièrement appréciées, leurs
membres sans poil leur épargnant les crevasses dans la boue des Flandres, et
leur rusticité leur permettant de se satisfaire des rations de l´armée !
Par la suite, les éleveurs continuèrent à croiser les
juments avec des étalons Pur-Sang Anglais, donnant naissance petit à petit à un
superbe cheval de sport : le Connemara. Lequel est donc considéré comme la seule espèce indigène
d’Irlande, remontant à 2500 ans !
Zoom
sur une race de légende : le Connemara
Si
vous êtes fan de sports équestres, vous ne pouvez pas ignorer le nom du célèbre
Connemara ! Inscrit dans la catégorie des poneys et non des chevaux
(officiellement, parce qu’il mesure moins de 1,48 m au garrot), le Connemara
est le poney de sport par excellence,
autant apprécié par les jeunes cavaliers que par les adultes. Doté d’un
légendaire « coup de saut », il ne se limite pas pour autant au CSO
ou au concours complet - ses disciplines de prédilection. Sa rusticité et son
bon caractère font aussi de lui un vrai « poney de famille » !
Une morphologie taillée pour le sport
Le Connemara est la seule race
indigène de poneys irlandais, et sa morphologie est indissociable de son
histoire. Né il y a 2500 ans dans le Connemara, une contrée sauvage, austère et
accidentée située à l’ouest de l’Irlande, il fut longtemps un poney de guerre
élevé par les Celtes pour tracter les chars le long des plages et des plaines
alluviales. C’est ainsi qu’il a développé, dans ces conditions âpres, une vraie
rusticité et une morphologie bien spéciale : taille moyenne (1,28 m à 1,48
m à maturité), corps compact et équilibré, bien adapté à la selle avec de la
substance et une bonne profondeur, cage thoracique bien développée sur des
membres courts couvrant beaucoup de terrain...
Le Connemara est littéralement
« taillé » pour le sport : au niveau de l’avant-main, sa tête est bien
greffée sur l’encolure, ouvrant sur un garrot bien défini et une épaule bien
inclinée. Ainsi orienté, il possède un excellent équilibre au galop - un atout essentiel en saut d’obstacles !
Sa puissance d’action est favorisée par un dos fort et court (un peu de
longueur est admise, mais elle devra, dans ce cas, être soutenue par un rein
fort). Les membres sont de bonne longueur avec de la force dans l’avant-bras, des
genoux bien définis et des canons courts. L’arrière-main, quant à elle, est forte
et musclée avec un peu de longueur, des jambes bien développées et des jarrets
forts, placés bas. L’impression générale est celle d’un poney à la fois élégant
et athlétique, doté d’allures libres, faciles et naturelles.
Un caractère en or
Hardiesse et gentillesse
mêlées ! C’est ainsi que les amoureux du Connemara expliquent son succès
comme « poney de toute la famille », car il est intelligent et
capable de s’adapter à celui qui est sur son dos : sous la selle d’un cavalier
très sportif, il donnera tout de lui-même et manifestera fièrement qu’il a dans
ses veines du sang arabe et pur-sang anglais ; avec un cavalier jeune ou
peu expérimenté, il fera preuve de délicatesse et de douceur, exprimant plus
que jamais son tempérament équilibré.
Elevé en stud-book fermé afin de
préserver génétiquement son bon caractère, le Connemara est facile, gentil et
proche de l’homme. Néanmoins, en fonction de l’orientation souhaitée par
l’éleveur, certaines lignées ont plus de « sang » que d’autres :
la sélection sportive produit des poneys plus vifs que celle axée sur le
loisir. Or, en France (qui est, après l’Irlande, le pays qui possède le plus
gros cheptel), le Connemara est considéré comme le numéro un des poneys de
sport. Il représente d’ailleurs la génétique la plus utilisée en France comme
améliorateur de race, afin de produire du poney de croisement à vocation
sportive (les meilleurs poneys français de selle ont du sang Connemara). Alors,
gentil et fiable, oui… Nonchalant et mou, rarement !
Pour quelles disciplines vous plairait-il ?
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On dit du Connemara
que son légendaire « coup de saut » a été forgé au cours des siècles
par le franchissement répété des murets de pierre qui parsèment sa région
d’origine… Mais cette aptitude naturelle au saut d’obstacles, il la doit aussi à la sélection qui a constamment
travaillé à l’améliorer. Aujourd’hui, le Connemara est donc l’un des meilleurs
poneys de CSO au monde, régulièrement sur le podium des plus grandes
compétitions internationales.
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Le Connemara
s’illustre également en concours complet,
son autre discipline de prédilection. Il s’y prête particulièrement grâce à sa
force et sa musculature, mais aussi son mental hardi. C’est un poney doté de
courage et d’agilité, deux qualités très recherchées notamment sur les terrains
de cross. En CCE, c’est peut-être dans l’épreuve de dressage qu’il brillera le
moins.
-
Certes, on trouve
des Connemaras à haut niveau en dressage.
Mais de l’avis de nombreux éleveurs et entraîneurs, c’est un poney qui ne
trotte pas aussi bien qu’il galope. De ce fait, il peut être un peu limité en
dressage par rapport à d’autres races.
-
Le Connemara est
un poney de sport polyvalent : il montre de réelles dispositions pour l’attelage sportif, où les meneurs
apprécient sa franchise, son agilité et sa vitesse. On le rencontre aussi en TREC, en horse-ball et en endurance
- bref, toutes les disciplines qui
« bougent », où son tempérament volontaire et son équilibre au galop influent
sur la performance.
-
Enfin, il peut
faire un excellent poney de promenade
et de randonnée. C’est l’un des
points forts de la race : traditionnellement, en Irlande, le Connemara est
un poney de sport que toute la famille utilise pour aller se balader lorsqu’il
n’est pas sur un terrain de concours. En France, si vous ne souhaitez pas faire
de compétition, évitez d’acheter un Connemara
de très haut niveau, ou d’une lignée à vocation sportive exclusivement. Laissez
les poneys de sport aux cavaliers de sport ! Préférez un élevage de
qualité, mais plus « rustique », en optant pour une lignée qui privilégie,
plutôt que la vitesse ou le coup de saut, les qualités recherchées en
équitation de loisir : robustesse, calme, docilité… Sans oublier la sûreté
de pied, qu’il a acquise de longue date à force de fouler les dangereuses
tourbières irlandaises !
Autres races équines en Irlande
Même si le Connemara est la race irlandaise la plus
emblématique (en partie grâce à sa suprématie dans les sports équestres qui le
met sur le devant de la scène), il existe bien d’autres races équines en Irlande.
Citons l’Irish Cob, très à la mode aujourd’hui et que nous vous présenterons prochainement
sur le blog, mais aussi le Gipsy Cob,
l’Irish Sport Horse (plus connu sous le nom de Hunter Irlandais), le Trait
Irlandais (Irish Draft), le poney Kerry Bog… Bref, nul doute que la terre
irlandaise est une terre de chevaux !
Des fêtes populaires à la gloire du cheval
Aujourd’hui comme par le passé, plusieurs festivals équestres célèbrent l’amour du peuple irlandais pour le cheval. Les deux plus connus sont ceux de Clifden et de Ballinasloe.
« The October Fair of Ballinasloe », qui va d'ailleurs commencer dans deux jours (du 30 septembre au 7 octobre 2018), est la foire aux chevaux la plus ancienne et la plus importante d'Irlande, mais aussi l'une des plus célèbres d'Europe. On dit même que Napoléon y aurait acheté un cheval ! La foire dure une grosse semaine et le premier dimanche, plus de 1 000 équidés cherchent preneur dans un immense champ.
Si vous y allez, prenez garde : évitez de serrer la main d'un éleveur, sous peine de repartir avec une monture ! En effet, le vendeur et le futur acheteur parlementent longuement et se donnent une poignée de main une fois l'affaire conclue. Un rituel auquel nul ne doit déroger, au risque de perdre son honneur d’homme de cheval...
Le « Clifden Connemara Pony Show » se déroule chaque année au mois d’août. Un événement équestre qui remonte à 1924 et qui attire des visiteurs du monde entier, avec plus de 400 poneys Connemara. Démonstrations, spectacles, concours de modèle et allures… Clifden, tranquille petite bourgade irlandaise, devient alors la Mecque du poney Connemara !
Une anecdote à ’Irish National Stud
Lors de sa visite du Haras national irlandais en 2011, la
reine Élisabeth II a levé le voile sur une curieuse sculpture : une
drôle de sphère creuse, composée de signes du zodiaque, de constellations et
d'un poulain. Quel est son symbolisme ? Elle représente en fait le lien
tissé entre le Haras national et la royauté depuis 112 ans.
Mais plus encore,
elle révèle le fascinant caractère de son fondateur : le colonel William Hall
Walker. En garnison en Inde avec l'armée britannique, William Hall
Walker avait développé une fascination pour les philosophies orientales,
notamment le bouddhisme et l’astrologie. En 1900, il acheta le domaine de Tully,
dans le comté de Kildare. Aujourd'hui encore, le Haras et ses jardins japonais
portent la marque de son originalité. Plus de 110 ans plus tard, la réussite du haras semble
autant liée aux méthodes insolites du colonel Walker qu’à la richesse du sol en
calcaire sur lequel il s’est installé.
Mauvais horoscope, mauvais cheval ?
Le colonel enregistrait méticuleusement la date et l'heure
de naissance des poulains, afin d'établir lui-même leur thème astrologique.
S'il les jugeait nés sous une étoile défavorable, les poulains étaient
immédiatement vendus, peu importe leur lignée ! Et dans les écuries, à la demande du colonel, les lucarnes
étaient installées de telle sorte que les chevaux soient en mesure de voir la
lune et les étoiles…
L'un de ses nombreux visiteurs fut le prince Aga Khan III,
qui décidé alors d’investir largement dans l'élevage équin irlandais, tout
comme son petit-fils Aga Khan IV, de nos jours !
Le Connemara, un cheval venu de la mer ?
Impossible de ne pas conclure cette plongée dans l’histoire
du cheval en Irlande sans évoquerce film culte qu’est « Le Cheval
venu de la mer » (titre original : Into
the West). Réalisé par Mike Newell en 1992, ce film britannico-irlandais
d'aventure met en scène les nomades, appelés « travellers », et la
mythologie irlandaise.
L'histoire est celle de deux jeunes frères nourris de
contes et légendes et passionnés par les westerns américains, qui traversent
l'île d'Irlande d'est en ouest sur un cheval blanc, poursuivis par la police.
Leur père, hanté par le souvenir de sa femme disparue, tente de les retrouver
et de regagner sa dignité perdue.
Porté par la musique de Patrick Doyle, "Le Cheval venu de la
mer" est un récit initiatique, à la fois western irlandais et conte de fées
moderne, abordant les thèmes de la condition des nomades, de la
reconstruction familiale après le deuil et de la symbolique du cheval blanc. Le
décor ? Une Irlande qui apparaît comme un pays contrasté, entre la
banlieue de Dublin et les paysages sauvages du Connemara…
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Découvrez tout sur le poney Connemara sur le site de l'Association Française du Poney Connemara, présidée par Pascal Wandon.
Partez à la découverte de l'Irlande avec les randonnées de Cheval d'Aventure
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