Chevaux de Mérens en transhumance

Chevaux de Mérens en transhumance

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Elevé en race pure depuis de nombreuses générations, le Mérens est la fierté de la région Occitanie. Le petit cheval noir d’Ariège y perpétue une identité très affirmée, indissociable de son terroir montagnard et de son mode d’élevage unique en France, basé sur l’estive et la transhumance. 

Le Mérens, prince noir de l’Ariège


Telle une fière sentinelle, l’étalon noir domine les pentes escarpées et les vallées secrètes de la montagne ariégeoise. Du haut de son mètre cinquante, il veille sur son troupeau, regroupe ses juments, défend ses poulains…

Belle type caractéristique du cheval de Mérens /Fotolia
Belle tête noire caractéristique du cheval de Mérens ©Jérôme Dillard /Fotolia

Peut-on imaginer plus beau symbole que ce cheval à la robe de nuit, galopant librement sur les hauts plateaux pyrénéens presque la moitié de l’année ? Pourtant, nul besoin d’être alpiniste ou poète pour s’émerveiller de cette vision de rêve : il suffit de chausser des chaussures de randonnée (pédestre ou équestre !) et de partir à l’assaut des nombreux GR et autres sentiers qui sillonnent l’Ariège. Ce département méconnu, l’un des plus beaux et des plus sauvages de France, s’offre généreusement aux amoureux de la nature, de la faune et de la flore.

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L'Ariège offre des paysages splendides  qu'il faut découvrir à dos de Mérens @Blog Cheval d'Aventure

Depuis plusieurs générations, le Mérens en est le plus fier emblème. Le « petit cheval noir » est à l’Occitanie (anciennement région Midi-Pyrénées) ce que le « petit cheval blanc » est à la Camargue : un vivant symbole des traditions ancestrales, farouchement préservées par les éleveurs. Loin de tout folklore, le Mérens est avant tout un auxiliaire de la vie pastorale qui règne, encore et toujours, en Ariège… 

Petit par le stud-book… grand par le cœur !


Le Mérens ne représente que 2% du total des naissances de races françaises de chevaux de selle. L'an dernier, seulement 240 poulains ont été enregistrés auprès du SIRE (l’équivalent équin du LOF pour les chiens et du LOOF pour les chats de race).  Qu’à cela ne tienne ! Le « stud-book » ou livre généalogique du Mérens n’a pas à rougir de ses petits effectifs, tant le cheval ariégeois a gagné ses lettres de noblesse au-delà même de son berceau de race. L’élevage s’est étendu à d’autres régions de France, et à plusieurs pays : Italie, Suisse, Belgique, Pays-Bas, Allemagne, République tchèque… Pour être inscrit au SIRE, un Mérens doit obligatoirement être né de parents Mérens, sans croisement.

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Magnifique kaléidoscope de robes noir de jais...  © Jarlan/Fotolia

Plus grand qu’un poney, plus petit qu’un cheval de sport, plus léger qu’un cheval de trait… le Mérens est un « petit cheval » polyvalent, aussi bien adapté aux adultes qu’aux enfants. Sa troublante ressemblance morphologique avec les figurations pariétales de la grotte de Niaux, datant de l’époque magdalénienne (13 000 ans), laissent à penser que sa présence en Ariège date de la nuit des temps… Quant à sa robe noire zain, sans aucun poil blanc, elle est la seule admise au standard – une spécificité que l’on ne retrouve dans aucune autre race française ! 

Un équidé parfaitement adapté à son terroir


Elevé en race pure, le Mérens a conservé une morphologie rustique façonnée par la vie en montagne : silhouette trapue, membres forts, musculature solide, pied sûr, dos « porteur »…  Il est parfaitement adapté aux terrains accidentés et au climat parfois rude des Pyrénées. Cette adéquation entre le Mérens et son terroir l’a sauvé de l’extinction : jusque dans les années 1970, le Mérens était utilisé comme cheval de trait léger.

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Les Mérens sont habitués en vivre en troupeau  ©Pat/Fotolia

La motorisation agricole aurait pu avoir raison de la race, si des passionnés n’avaient su mettre en valeur ses qualités de rusticité. Au lieu de l’orienter vers le marché de la boucherie, comme tant de producteurs de chevaux de trait devenus inutiles (Comtois, Bretons, Percherons…),  les éleveurs de Mérens l’ont reconverti vers l’équitation de loisir et l’attelage sportif. Ils lui ont donné de nouvelles missions, liées au tourisme rural et pastoral : randonnée équestre montée ou attelée, débardage, transhumance….

La tradition ancestrale de la transhumance


Une reconversion que seule pouvait mener à bien une espèce locale, sélectionnée depuis toujours sur sa parfaite connaissance du milieu naturel où il naît, grandit et se reproduit. Estive et transhumance : des traditions préservées Les éleveurs de chevaux de Mérens n’en sont pas peu fiers : au 21ème siècle, ils restent les seuls à perpétuer la tradition ancestrale de la transhumance afin d’offrir à leurs animaux les bienfaits de l’estive. Chaque année au printemps, les troupeaux quittent la vallée pour rejoindre les prairies d’altitude.

La traversée des villages est un grand moment de la transhumance @Blog Cheval d'Aventure
La traversée des villages est  toujours un grand moment de la transhumance @Blog Cheval d'Aventure

Ils n’en redescendront qu’à l’automne, après de longs mois de vie libre et quasi sauvage : « Contrairement aux brebis et aux vaches, un cheval ne se garde pas, explique Anaïs Battistella, éleveuse et guide de tourisme équestre des « Crinières Noires », au pied du plateau de Beilles. Les vachers, bergers ou éleveurs y jettent un œil de temps à autre, mais nos Mérens se gèrent tout seuls. En confiant nos animaux à la montagne, nous perpétuons nos valeurs, comme la volonté d’entretenir la montagne ou de conserver certaines espèces. La transhumance, c’est le choix du bien-être et de la liberté pour nos animaux… et c’est aussi le risque de ne pas les voir redescendre ».

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Le Mérens est assez petit et trapu, idéal pour les terrains accidentés @Blog Cheval d'Aventure

Une estive parfois fatale


En effet, certains chevaux ne survivent pas à l’estive : « Il arrive qu’un poulain se noie dans une « mouillère », qu’un cheval « déroche » dans le vide, soit foudroyé… Et puis il y a des prédateurs : les vautours, les loups et surtout les ours, qui poussent aujourd’hui certains éleveurs à renoncer à l’estive ». Consciente du problème, Anaïs espère néanmoins que chacun puisse cohabiter : « Le risque, nous l’assumons. Car en contrepartie, tous les chevaux qui ont survécu constituent le meilleur de la race ! Les mères ont appris à leurs poulains à survivre en milieu hostile, trouver les sources, éviter les mauvaises plantes, poser le pied au bon endroit, réfléchir au lieu de paniquer… Ce mode d’élevage naturel reste le meilleur qui soit ».

Heureuse de partager sa passion, Anaïs Battistella invite les cavaliers à participer aux transhumances, « un moment intense et inoubliable, au rythme du troupeau et au bruit des sonnailles ».  Une tradition équestre que l’on ne trouve nulle part ailleurs en France, mais qui existe dans d’autres pays/ Prochainement sur le blog, nous vous offrirons quelques photos de troupeaux de chevaux libres convoyés en Islande ou en Géorgie ! 

Les mérens sont habitués à grimper à haute altitude
Les Mérens sont habitués à grimper à haute altitude... mieux que nous ! @Blog Cheval d'Aventure

 A l’assaut du Piton de la Fournaise


Qui l’eût cru ? L’une des régions de France où vous avez le plus de chances de rencontrer des Mérens est… l’île de la Réunion ! Depuis 1983, le petit cheval noir caracole au cœur de l’Océan indien. Dans les années 1990, l’importation s’intensifia de façon spectaculaire dans le but de développer le tourisme équestre, mais aussi de constituer un noyau d’élevage. L’état français mit la main à la poche, allant jusqu’à offrir cinq étalons des Haras Nationaux.  Grâce à l’Office National des Forêts et la Maison de la Montagne, de nombreuses pistes cavalières furent tracées et balisées à travers l’île. Caractère doux, sûreté de pied, robustesse… le Mérens s’avéra idéal, aussi bien pour l’initiation que pour la randonnée.
Véritables acteurs de l’économie réunionnaise, les Mérens se sont parfaitement adaptés à leur nouveau milieu. Certains éleveurs affirment que leurs chevaux ont développé des vibrisses plus épaisses à force de consommer des plantes locales épineuses comme les bringelliers ! Aujourd’hui encore, ils restent largement majoritaires dans les centres équestres, même si d’autres races sont arrivées (notamment le Haflinger, poney rustique du Tyrol). Néanmoins, de  nombreux croisements ont été effectués, au grand dam des puristes qui regrettent qu’on parle plus souvent du « petit noir » que du « Mérens »… 

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Un Mérens tout noir ? Non, un équidé aux grandes oreilles ! @Blog Cheval d'Aventure

Stéphane Bigo sur le GR 10 à dos de Mérens


Bien connu du monde équestre, Stéphane Bigo, dont nous avons fait le portrait sur le blog début juillet, a sillonné à cheval de nombreux continents. En 1997, il décide de traverser les Pyrénées, soit 1000 kilomètres de l’Atlantique à la Méditerranée par le GR 10. Trente ans après, le grand cavalier-voyageur n’a rien oublié de Velours de Sié, son Mérens âgé d’une dizaine d’années prêté par un éleveur de l’association SHERPA : « Mon ami Claude Carsy avait choisi une jument Pottok, autre race pyrénéenne, car nous voulions mettre les races locales en valeur, raconte-t-il. Nous avions aussi une mule de bât espagnole. Velours était un Mérens un peu atypique, plus grand, très puissant mais très souple. Je me souviens encore de son aisance pour sauter de pied ferme des contre-hauts d’un mètre ! Il a été une monture idéale pour notre chevauchée, qui a duré un mois et demi ».

Pour en savoir plus  : le site de l'association des mérens

Participez à une transhumance à cheval dans les Pyrénées avec Cheval d'Aventure

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