Chevaux de Mérens en transhumance
Elevé en race pure depuis
de nombreuses générations, le Mérens est la fierté de la région Occitanie. Le
petit cheval noir d’Ariège y perpétue une identité très affirmée, indissociable
de son terroir montagnard et de son mode d’élevage unique en France, basé sur
l’estive et la transhumance.
Le Mérens, prince noir de l’Ariège
Telle une fière sentinelle, l’étalon noir domine les pentes
escarpées et les vallées secrètes de la montagne ariégeoise. Du haut de son
mètre cinquante, il veille sur son troupeau, regroupe ses juments, défend ses
poulains…
Peut-on imaginer plus beau symbole que ce cheval à la robe de nuit,
galopant librement sur les hauts plateaux pyrénéens presque la moitié de
l’année ? Pourtant, nul besoin d’être alpiniste ou poète pour
s’émerveiller de cette vision de rêve : il suffit de chausser des
chaussures de randonnée (pédestre ou équestre !) et de partir à l’assaut
des nombreux GR et autres sentiers qui sillonnent l’Ariège. Ce département
méconnu, l’un des plus beaux et des plus sauvages de France, s’offre
généreusement aux amoureux de la nature, de la faune et de la flore.
Depuis plusieurs
générations, le Mérens en est le plus fier emblème. Le « petit cheval
noir » est à l’Occitanie (anciennement région Midi-Pyrénées) ce que le « petit
cheval blanc » est à la Camargue : un vivant symbole des traditions
ancestrales, farouchement préservées par les éleveurs. Loin de tout folklore,
le Mérens est avant tout un auxiliaire de la vie pastorale qui règne, encore et
toujours, en Ariège…
Petit par le stud-book…
grand par le cœur !
Le Mérens ne représente que 2% du total des naissances de
races françaises de chevaux de selle. L'an dernier, seulement 240 poulains ont été
enregistrés auprès du SIRE (l’équivalent équin du LOF pour les chiens et du
LOOF pour les chats de race). Qu’à cela
ne tienne ! Le « stud-book » ou livre généalogique du Mérens n’a
pas à rougir de ses petits effectifs, tant le cheval ariégeois a gagné ses
lettres de noblesse au-delà même de son berceau de race. L’élevage s’est étendu
à d’autres régions de France, et à plusieurs pays : Italie, Suisse, Belgique,
Pays-Bas, Allemagne, République tchèque… Pour être inscrit au SIRE, un Mérens
doit obligatoirement être né de parents Mérens, sans croisement.
Plus grand qu’un poney, plus petit qu’un cheval de sport,
plus léger qu’un cheval de trait… le Mérens est un « petit cheval »
polyvalent, aussi bien adapté aux adultes qu’aux enfants. Sa troublante ressemblance
morphologique avec les figurations pariétales de la grotte de Niaux, datant de
l’époque magdalénienne (13 000 ans), laissent à penser que sa présence en
Ariège date de la nuit des temps… Quant à sa robe noire
zain, sans aucun poil blanc, elle est la seule admise au standard – une
spécificité que l’on ne retrouve dans aucune autre race française !
Un équidé parfaitement
adapté à son terroir
Elevé en race pure, le Mérens a conservé une morphologie
rustique façonnée par la vie en montagne : silhouette trapue, membres forts,
musculature solide, pied sûr, dos « porteur »… Il est
parfaitement adapté aux terrains accidentés et au climat parfois rude des
Pyrénées. Cette adéquation entre le Mérens et son terroir l’a sauvé de
l’extinction : jusque dans les années 1970, le Mérens était utilisé comme
cheval de trait léger.
La motorisation agricole aurait pu avoir raison de la
race, si des passionnés n’avaient su mettre en valeur ses qualités de
rusticité. Au lieu de l’orienter vers le marché de la boucherie, comme tant de
producteurs de chevaux de trait devenus inutiles (Comtois, Bretons,
Percherons…), les éleveurs de Mérens l’ont
reconverti vers l’équitation de loisir et l’attelage sportif. Ils lui ont donné
de nouvelles missions, liées au tourisme rural et pastoral : randonnée
équestre montée ou attelée, débardage, transhumance….
La tradition ancestrale de la transhumance
Une reconversion que
seule pouvait mener à bien une espèce locale, sélectionnée depuis toujours sur
sa parfaite connaissance du milieu naturel où il naît, grandit et se reproduit. Estive et transhumance : des traditions
préservées Les éleveurs de
chevaux de Mérens n’en sont pas peu fiers : au 21ème siècle,
ils restent les seuls à perpétuer la tradition ancestrale de la transhumance
afin d’offrir à leurs animaux les bienfaits de l’estive. Chaque année au
printemps, les troupeaux quittent la vallée pour rejoindre les prairies
d’altitude.
Ils n’en redescendront qu’à l’automne, après de longs mois de vie
libre et quasi sauvage : « Contrairement
aux brebis et aux vaches, un cheval ne se garde pas, explique Anaïs
Battistella, éleveuse et guide de tourisme équestre des « Crinières Noires »,
au pied du plateau de Beilles. Les
vachers, bergers ou éleveurs y jettent un œil de temps à autre, mais nos Mérens
se gèrent tout seuls. En confiant nos animaux à la montagne, nous perpétuons nos
valeurs, comme la volonté d’entretenir la montagne ou de conserver certaines
espèces. La transhumance, c’est le choix du bien-être et de la liberté pour nos
animaux… et c’est aussi le risque de ne pas les voir redescendre ».
Une estive parfois fatale
En
effet, certains chevaux ne survivent pas à l’estive : « Il arrive qu’un poulain se noie dans une
« mouillère », qu’un cheval « déroche » dans le vide, soit
foudroyé… Et puis il y a des prédateurs : les vautours, les loups et
surtout les ours, qui poussent aujourd’hui certains éleveurs à renoncer à l’estive ».
Consciente du problème, Anaïs espère néanmoins que chacun puisse
cohabiter : « Le risque, nous
l’assumons. Car en contrepartie, tous les chevaux qui ont survécu constituent
le meilleur de la race ! Les mères ont appris à leurs poulains à survivre
en milieu hostile, trouver les sources, éviter les mauvaises plantes, poser le
pied au bon endroit, réfléchir au lieu de paniquer… Ce mode d’élevage naturel
reste le meilleur qui soit ».
Heureuse de partager sa passion, Anaïs
Battistella invite les cavaliers à participer aux transhumances, « un moment intense et inoubliable, au rythme
du troupeau et au bruit des sonnailles ». Une tradition équestre que
l’on ne trouve nulle part ailleurs en France, mais qui existe dans d’autres
pays/ Prochainement sur le blog, nous vous offrirons quelques photos de troupeaux de chevaux libres convoyés en Islande ou en Géorgie !
A l’assaut du Piton de
la Fournaise
Qui l’eût cru ? L’une des régions de France où vous avez
le plus de chances de rencontrer des Mérens est… l’île de la Réunion ! Depuis
1983, le petit cheval noir caracole au cœur de l’Océan indien. Dans les années
1990, l’importation s’intensifia de façon spectaculaire dans le but de
développer le tourisme équestre, mais aussi de constituer un noyau d’élevage.
L’état français mit la main à la poche, allant jusqu’à offrir cinq étalons des
Haras Nationaux. Grâce à l’Office
National des Forêts et la Maison de la Montagne, de nombreuses pistes
cavalières furent tracées et balisées à travers l’île. Caractère doux, sûreté
de pied, robustesse… le Mérens s’avéra idéal, aussi bien pour l’initiation que
pour la randonnée.
Véritables acteurs de l’économie réunionnaise, les Mérens se
sont parfaitement adaptés à leur nouveau milieu. Certains éleveurs affirment
que leurs chevaux ont développé des vibrisses plus épaisses à force de consommer
des plantes locales épineuses comme les bringelliers ! Aujourd’hui encore, ils restent
largement majoritaires dans les centres équestres, même si d’autres races sont
arrivées (notamment le Haflinger, poney rustique du Tyrol). Néanmoins, de nombreux croisements ont été effectués, au grand
dam des puristes qui regrettent qu’on parle plus souvent du « petit noir »
que du « Mérens »…
Stéphane Bigo sur le GR 10 à dos de
Mérens
Bien connu du monde
équestre, Stéphane Bigo, dont nous avons fait le portrait sur le blog début
juillet, a sillonné à cheval de nombreux continents. En 1997, il décide de
traverser les Pyrénées, soit 1000 kilomètres de l’Atlantique à la Méditerranée
par le GR 10. Trente ans après, le
grand cavalier-voyageur n’a rien oublié de Velours de Sié, son Mérens âgé
d’une dizaine d’années prêté par un éleveur de l’association SHERPA :
« Mon ami Claude Carsy avait choisi
une jument Pottok, autre race pyrénéenne, car nous voulions mettre les races
locales en valeur, raconte-t-il. Nous
avions aussi une mule de bât espagnole. Velours était un Mérens un peu
atypique, plus grand, très puissant mais très souple. Je me souviens encore de
son aisance pour sauter de pied ferme des contre-hauts d’un mètre ! Il a
été une monture idéale pour notre chevauchée, qui a duré un mois et
demi ».
Pour en savoir plus : le site de l'association des mérens
Participez à une transhumance à cheval dans les Pyrénées avec Cheval d'Aventure
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