Laetitia Goncalves remporte la Gobi Desert Cup
Laetitia Goncalves, qui représentait la France pour la
Gobi Desert Cup 2019 en Mongolie, a remporté la 1ère place en équipe et la 2de
ex-aequo en individuel. Retour sur une course de nomades haute en couleur !
480 kilomètres en 6 jours
Cavalière d'endurance originaire du Lot, Laetitia Goncalves est
bien connue des lecteurs du Mag des Cavaliers Voyageurs.
Nous avons consacré
plusieurs articles à cette sympathique jeune femme, double championne de France
et deux fois médaillée aux Championnats du Monde, notamment dans notre rubrique Portrait.
Cet été, Laetitia a représenté la France pour la très exigeante Gobi Desert Cup, une course de 480 km en
Mongolie dans le désert.
Soutenir la culture et la tradition nomades
Cette course est organisée chaque été depuis 3
ans par la « Mongolian Horse and Nomad Fondation », organisation non
gouvernementale mongole, co-fondée par Camille Champagne, cavalière d’endurance
internationale.
Plus qu’une course d’endurance, cet événement vise à soutenir la
culture et la tradition nomades. Les cavaliers viennent du monde entier, ils sont engagés par équipes de
quatre, chaque équipe étant formée de cavaliers professionnels internationaux et de cavaliers
amateurs.
Comme des
nomades
Comment se déroule cette course du désert mongol ? Après un petit briefing, les
cavaliers s'élancent pour six jours de course, à raison de 80 km par jour.
Chaque cavalier dispose de six chevaux pour mener à bien son parcours. Deux
contrôles vétérinaires par jour sont effectués par des professionnels habilités
par la FEI, à 40 et à 80 km. La fréquence cardiaque des chevaux doit atteindre
64 bpm (battements par minute) ou moins, en 30 min, pour que le cavalier puisse
continuer sa course.
Ensuite, chaque binôme doit faire une pause de 40 min pour
se reposer, manger et boire avant de reprendre le départ. Chaque soir, tout le
monde se retrouve et partage la vie nomade - l'idéal pour découvrir en toute
authenticité la culture de ce pays.
Quatre cavalières françaises ont donc pris le départ cette année
et ont fini sur la plus haute marche du podium : Laetitia Goncalves, capitaine
de l’équipe, Sarah Bertaux-D’Agier, ainsi que Cassandra Carmona et Virginie
Jacquet-Bournazel, cavalières passionnées. Bravo à l’unique équipe tricolore,
100% féminine !
A son retour de Mongolie, des étoiles encore plein les
yeux, Laetitia a bien voulu répondre à nos questions pour le Mag des Cavaliers
Voyageurs :
Pourquoi t’être lancée dans cette aventure
à l’autre bout du monde ?
J'ai décidé de participer à cette aventure mongole car pour moi c'était l'occasion
de faire une course d'endurance différente de ce que je fais habituellement. Et
aussi de pouvoir monter des chevaux différents des miens, et avoir
l'opportunité de vivre la culture nomade à travers ma passion.
Toi qui montes essentiellement des
pur-sang arabes, comment as-tu jugé les chevaux mongols ?
En termes de
performance, endurance, mais aussi tempérament… ? Ce sont des petits chevaux très robustes, avec du caractère, ils sont très
malins et dotés d'un vrai mental d'acier ! Bien qu'ils soient petits, ils trottent
et galopent aussi rapidement qu'un "vrai" cheval d'endurance.
Ce sont
des chevaux très durs et j'ai vraiment été étonnée par leur endurance. Mais ils
ont un grand cœur, caché autour de leur sale caractère apparent… Les différents
chevaux que j'ai montés étaient tous très gentils !
Tu as monté un cheval différent par jour,
l'un d’eux t’a-t-il plus marquée que les autres ?
La veille de la course, en effet, nous tirons au sort un numéro qui correspond
à différents chevaux. J'ai eu la chance de monter différents chevaux de couleur
! Mais mon coup de cœur reste le cheval gris, celui du 4ème jour.
A quoi correspond ce prix de "best
management horse" que tu as remporté ?
Ce prix que j'ai remporté, c'est pour avoir eu le courage de gérer un
cheval très difficile au niveau mental… c'est-à-dire plus exactement un cheval
qui n'avait pas trop de mental ! !
Alors j’ai beaucoup couru à côté de lui, j’ai pris le temps de faire la
course en l’écoutant… et je suis arrivée
quand même au galop sur ce cheval pie noir et blanc !
As-tu dû adapter ton équitation, ton
assiette, ta façon de monter, de tenir les rênes, etc. ?
Quand on monte des chevaux mongols, on les dirige d'une seule main. Il faut
savoir qu'ils n'ont pas beaucoup de direction et de frein ! Ensuite, pour les
faire avancer, il faut leur parler en disant "tchou-tchou" ! A part
ça, j'ai adapté ma façon de monter comme je le fais avec mes chevaux.
En termes de difficulté, est-ce que cette
course était plus facile ou moins facile que les courses célèbres comme Florac,
par exemple ? Était-ce différent de ce que tu imaginais dans ton esprit
avant d’y aller ?
La course en elle-même s'effectuait sur de très longues étendues… Les
premiers jours, c'était en apparence assez plat, mais c'était du faux plat
montant ! Rien à voir avec Florac, c'est très différent. Mais c'est quand même
technique, car il y avait beaucoup de lignes droites (à part le 4ème
jour où nous étions dans les dunes de sable mais aussi dans les cailloux).
Il faut savoir que les chevaux n'étaient pas ferrés, ou parfois les Mongols
leur mettaient une simple plaque vissée pour ceux qui craignaient les cailloux.
J'étais très surprise que les chevaux soient aussi durs physiquement que
mentalement !
Quel était le climat, et l’as-tu bien
supporté ?
Les premières nuits étaient fraîches, les journées chaudes mais le climat
ne m'a pas choquée car nous avions de hautes températures comme au Portugal, où
j'habite désormais.
Au niveau des vet-gates, c'est-à-dire des
contrôles vétérinaires, était-ce différent de la France ? Comment as-tu
perçu l’attention au bien-être des chevaux en Mongolie ?
En effet, les vet-gates étaient différents : quand nous arrivions de la
boucle, nous devions trotter notre cheval monté et par 2, car quelques chevaux
ne savent pas trotter en main, ensuite nous avions 30 minutes pour présenter
notre cheval pour tout ce qui est métabolique.
Chaque entraîneur, après la course, récupérait son cheval et le brossait. Dans
l'ensemble, les chevaux étaient très beaux et en bon état. J'ai juste été un
peu surprise par la course des enfants, où beaucoup de poulains courent 6
kilomètres au sprint avec un enfant dessus – ça en France, on ne connaît pas !
Au niveau des rencontres humaines,
qu’est-ce qui t’a plu en Mongolie ? L’accueil des nomades, des
entraîneurs, des éleveurs ?
Ce que je retiendrai toute ma vie, c'est ma rencontre avec le propriétaire-éleveur
du cheval gris que je montais le jour 5. Une personne en or… C'est mon meilleur
souvenir ! L'argent qui lui sera versé
va lui permettre d'emmener ses enfants à l'école, de payer l'école, mais aussi
d' aider sa fille qui est très jeune et atteinte d'une leucémie. D'une façon générale, les éleveurs mongols sont très fiers quand ils nous
voient finir la course avec leur chevaux. C'est un honneur pour eux ! Ils sont
très gentils et bien qu'ils ne parlent pas tous anglais, ils s'expriment
beaucoup par gestes. On sentait bien que c'était sincère.
As-tu quelques moments forts (rires,
larmes…) qui te viennent à l’esprit ou une anecdote inoubliable à nous raconter ?
Le moment du grand départ a été très fort… Le matin, avant de partir, je
suis allée voir ce fameux cheval gris, et quand l'entraîneur m'a vue il s'est
mis à pleurer en mettant sa main sur son cœur, en me disant qu'il me remerciait
d'avoir pris soin de ses chevaux, et qu'il ne m'oublierait jamais… Alors pour
ma part, je me suis aussi mise à pleurer !
Je lui ai offert un polo de mon écurie
et de l'huile d'olive venant du Portugal. Ensuite l'entraîneur, qui s'appelle
D'awa, m'a accompagnée jusqu'au bus et m'a offert un billet d'argent mongol avec sa signature dessus, en me disant merci. Il est resté près de moi jusqu'au départ, c'était vraiment
émouvant…
Qu'as-tu ramené de Mongolie - en plus des souvenirs et des émotions bien
sûr ?
J'ai gagné une selle Setzi ! C'est une marque italienne, une selle
technique qui permet de rester plus au
contact du cheval. Beaucoup de cavaliers en endurance montent avec cette marque
maintenant.
Peux-tu nous raconter ton jour préféré, sur les 6 jours de la Gobi Desert
Cup ?
Pour moi, c'était le jour 5, l'avant-dernier ! Voici mon ressenti de cette journée, qui était différente.
Le matin, après le tirage au sort de la veille, je tombe sur un cheval gris
plutôt bien fait, avec un peu de “taille”. Je monte dessus et là son
propriétaire me dit "c’est un bon cheval, tu vas gagner, il est très fort
!" Le départ donné, je pars dans le groupe de devant et là nous arrivons
dans les dunes.
Dans une grande descente une cavalière se met à crier derrière
moi et la voilà à côté de moi. Mon cheval prend peur et part à toute vitesse,
il double tout le monde et c’est à ce moment-là que j’ai ressenti une force
exceptionnelle chez ce cheval, pas comme chez les chevaux que j’avais montés
auparavant !
Vitesse raisonnable
Nous voilà sur la piste
pour 40 km. Première boucle : Virginie avait un cheval un peu difficile, du
coup elle est partie un peu plus loin devant. Moi je voulais retenir le mien - car
pour moi c’était du hors train, pour une première boucle j’essayais de le caler
à une vitesse raisonnable bien qu'il tire encore après 15 km ! J'avais formé un
petit groupe, nous étions les 4 Françaises avec Jennifer et Nayef.
Arrivée au
premier vet-gate, mon cheval avait mené toute la course devant, je descends 200
mètres à l’arrivée pour courir à côté pour le faire récupérer, j'arrive au vet-gate,
les vétérinaires n’étaient pas là. Luis contrôle les trottings de tous les
premiers cavaliers, ensuite je desselle mon cheval, il était bon au niveau
cardiaque.
Bien s'occuper du cheval lors du repos
Je le laisse boire, je rentre au vet, durant la pause le
propriétaire était là près de moi avec l’envie de le tenir, alors il prend le
cheval à la longe pour le faire manger - chose que je ne faisais pas jusqu’à
présent car j’aime bien m’occuper de mon cheval durant le repos.
PH6
Au bout de 50 mn
nous voilà repartis pour les 40 derniers km. Sarah me dit “ce serait bien que
tu passes devant pour faire le train” alors j’ai répondu à Sarah "je veux
bien mais cela fait déjà 40 km que mon cheval est devant à vous tirer"
mais bon vu que mon cheval était pour moi au-dessus du lot, je repars devant …
Du sable et des cailloux
Et nous voilà à traverser un paysage
différent de ce que nous avions vu auparavant : du sable, des dunes, des
cailloux, du dénivelé, bref tout ce qui me plaît ! Une course technique ! Une
vraie course d’endurance ! A 5km de l’arrivée nous étions sur un chemin avec
beaucoup de “montagnes russes “ et je voyais toujours mon équipe ainsi que Nayef
et Jennifer avec nous.
Alors après avoir discuté avec les filles de notre
technique d’arrivée, qui était de me laisser gagner afin d’avoir assez d’avance,
pour gagner l’aventure je prends la décision de mettre du train dans les
descentes pour essayer de perdre Jennifer et Nayef afin d’arriver l’équipe main
dans la main.
Un sprint imprévu
A l’arrivée, j’aperçois les drapeaux, Nayef et Cassandra se
mettent à côté de moi et Sarah à côté de Cassandra, et là Cassandra me dit "on
sprinte, c'est la course !" Moi, étonnée voire déçue, je lance mon cheval
au sprint comme les autres - sauf que mon cheval arrivé aux drapeaux prend peur,
et le cheval de Nayef et celui de Cassandra me bloquent le passage. Mon cheval fait
un écart, prend la fuite sur la droite, je perds l’équilibre et tombe. Je me
relève énervée et triste, mon cheval était parti rejoindre les autres à
l’attache. Luis et le propriétaire rattrapent le cheval mais moi je ne voulais
pas remonter, j'étais déçue de l’esprit de mon équipe !
80 km devant tout le monde
Le propriétaire insiste
et me voilà en train de passer la ligne à la 5ème position ! Je passe mon
cheval au trotting, je le fais récupérer, je passe le contrôle, tout est ok. Mais
pour moi, ce n’était pas ce que j’espérais! J'étais dans un état très très
énervée, au point de ne plus parler à mon équipe !
PH7
Après avoir passé 80 km
devant à mener tout le groupe, mon cheval devait gagner ce jour pour sa
générosité et surtout pour le propriétaire! Je n’étais pas déçu d’avoir fini 5 ème,
j'étais très énervée envers moi de ne pas avoir eu la chance d’offrir cette
première place à son propriétaire qui l’espérait depuis le matin !
Mon cheval coup de coeur
Alors ce que je retiens de cette journée
c’est ce cheval, un cheval extraordinaire avec un grand cœur qui a tout donné, j’avais l’impression qu’il connaissait son
travail ! Il était impressionnant, c’est vraiment mon coup de cœur ! Un cheval
que je n'oublierai jamais ! Le propriétaire, c’était vraiment une personne qui
aimait son cheval, ses chevaux et les gens. Il était fier de ce que j’avais
fait, il m’a remerciée à chaque instant que j'étais auprès de lui. Ce cheval et
ce propriétaire sont pour moi le plus beau souvenir de cette aventure ! Et si j'avais
pu, j'aurais acheté ce cheval pour mon écurie !
Au terme de cette incroyable expérience
en Mongolie, quel message souhaites-tu faire passer ?
D'abord, je tiens à féliciter tous les
cavaliers qui ont participé à cette magnifique course de 480 km. Il faut savoir
que nous étions logés dans des tentes sans eau courante ni électricité, mais on
l’a fait !
Merci aux organisateurs ainsi qu’à tous les bénévoles de nous avoir fait
découvrir ce magnifique pays à travers notre passion !Merci aux entraîneurs de nous avoir donné la chance de monter des chevaux
exceptionnels, encore une fois je pense au cheval gris de mon avant-dernier
jour, je suis tellement fière de ce que ce cheval a pu me donner durant cette
journée !
Fière de l'équipe de filles
Merci à ma super équipe, même si parfois c’était difficile nous y sommes
arrivées, contrat rempli, je suis fière de vous les filles !!!!Merci à tous les sponsors qui nous ont fait confiance pour cette expérience
: Antares, Inoa Solutions, Campo A Mesa, Fenix et aussi Movin’Smart qui nous a
permis d’utiliser le produit sur ces petits chevaux. Merci à Joao Bagulho pour son aide. Et pour finir je remercie Laurette, Rafael, Pitchou, Catarina, Carlos et Pedro
d’avoir pris soin de notre écurie tout le temps où nous étions à l’autre bout
du monde !
Alors voilà, j'ai plein de souvenirs en tête et le
cœur serré de laisser ces gens qui ont pris de leur temps pour nous offrir un
voyage inoubliable grâce à leurs chevaux.
Je n’ai qu’un mot à dire : баярлалаа ! bayarlalaa !
Propos recueillis par Natalie Pilley
Photos ©Heather Wallace/Gobi Desert Cup . Un grand merci à la photographe !
Tracé de la course Gobi Desert Cup 2019
En savoir plus : visitez le site de la Gobi Desert Cup
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