1999-2019 : 20 ans de horsemanship !
Il y a 20 ans exactement paraissait en France "Natural Horse-Man-Ship",
un ouvrage qui devait faire date dans la « révolution éthologique » L’auteur ?
Un simple cow-boy en bottes et Stetson, au look et au discours bien différents de ceux de nos
instructeurs français : Pat Parelli, l’un des plus grands chuchoteurs
américains !
L'un des plus grands chuchoteurs américains
C’est aux éditions Zulma, dans la collection L’équitation
autrement - un titre d’ailleurs révélateur des changements de mentalités
concernant les chevaux ! ) qu’est
paru cet ouvrage de référence, le premier traduit en français sur le thème des
chuchoteurs américains.
Revenons sur ce phénomène qui a donné lieu à la naissance de
l’équitation éthologique, et sur ce livre-culte pour bien des adeptes !
L’ouvrage a été traduit en français et publié suite à la venue de Pat Parelli
pour un premier stage en France, au Haras de la Cense - qui devait devenir, au
fil des ans, l’un des lieux emblématiques de ce qu’on n’appelait pas encore
l’équitation éthologique. La venue en France de Pat Parelli avait elle-même été initiée
grâce à la revue Cheval Magazine et à la création, dès 1996, d’une nouvelle
rubrique intitulée « Nouveaux Maîtres ». Alors rédacteur en chef, Frédéric
Chéhu fut le premier à percevoir l’intérêt de cette nouvelle approche de
l’éducation des chevaux, et à vouloir la faire partager à ses lecteurs.
L'homme qui murmurait à l'oreille des chevaux
Par la suite, l’expression « nouveaux maîtres » a
été plus ou moins abandonnée pour celle, plus poétique, de « chuchoteurs » («
whisperers » en anglais). Ce terme désigne en fait ceux qui savent parler aux
chevaux, et que le grand public a
découverts à travers le personnage de Tom Booker, héros du roman de Nicholas
Evans, L’homme qui murmurait à l’oreille des chevaux («The Horse Whisperer»).
Inspirée entre autres par la vie de Monty Roberts (bien que ceci ait donné lieu à quelques polémiques) et portée à l’écran par
Robert Redford, cette belle histoire a eu le mérite de mettre en pleine lumière
les méthodes de dressage pratiquées par les chuchoteurs américains.
Des cavaliers en quête d'harmonie
L’immense
succès qu’elle a rencontré en dit long sur l’adhésion du public à cette
approche de l’équitation. Incontestablement, celle- ci correspond à une attente
chez les cavaliers en quête d’une réelle
harmonie avec leur cheval. Ce désir trouve des réponses concrètes chez les
chuchoteurs américains, véritables précurseurs d’un courant qui s’étend
aujourd’hui à l’Europe – longtemps à la traîne à cause de ses traditions
militaires et conservatrices et de sa réticence à se remettre en question…
Au-delà de tout « américanisme » ou « antiaméricanisme »
primaires, il est indéniable que les Américains sont à l’origine de ce
phénomène, comme de la prise de conscience qui s’est peu à peu opérée dans les
esprits. Les hommes de cheval présentés
dans ce livre ont été les premiers à pratiquer ces méthodes, et surtout à les transmettre
et les enseigner. Sans doute parce qu’ils viennent tous d’un pays, et plus précisément
d’une région – l’Ouest américain – où
les méthodes ancestrales
de dressage étaient particulièrement âpres, pour ne pas dire barbares !
"To break" signifie briser
Après plus d’un siècle de débourrage par la force, sont enfin apparus quelques
cow-boys différents qui ont voulu lutter contre l’habitude de leurs pairs de «
briser » (break, en anglais) les chevaux. Du plus âgé (Tom Dorrance) au plus jeune (Pat Parelli),
en passant par Ray Hunt, John Lyons ou Monty Roberts, ils avaient en commun cette
volonté farouche de prouver qu’il est
non seulement possible,
mais aussi plus efficace, d’éduquer les chevaux en douceur, en se basant sur le respect de
leur personnalité.
À les voir débourrer avec facilité un cheval sauvage, embarquer un sujet récalcitrant dans
un van ou diriger leur monture sans bride aux trois allures, on pourrait croire
au miracle… Pourtant, les chuchoteurs ne sont ni des magiciens, ni des gourous
: ce sont simplement des hommes de cheval qui ont mis au point des méthodes de
travail parfaitement logiques et structurées, et qui se sont donné pour mission
de les partager.
Voir les choses du point de vue du cheval
Leur secret est tout
simple : il consiste à mieux communiquer avec le cheval, à la lumière des
connaissances nouvelles apportées par l’éthologie, science qui étudie le
comportement des animaux dans leur milieu naturel. En partant constamment de
l’observation, une démarche hélas trop souvent négligée, les chuchoteurs nous
apprennent à voir les choses du point de vue du cheval.
En effet, pour mieux comprendre notre cheval, et pour mieux
nous faire comprendre de lui, nous devons apprendre d’une part à « penser
cheval », c’est-à-dire à nous mettre à sa place en abolissant nos réflexes de
raisonnement humain, et
d’autre part à «
parler cheval », c’est-à-dire à utiliser
un langage qu’il puisse comprendre – notamment un langage corporel similaire à
celui qu’on peut observer chez les chevaux en liberté.
Chaque dresseur a sa petite touche personnelle – le jeu pour
Parelli, la sécurité pour Lyons, la gentillesse
pour Roberts… Mais les chuchoteurs américains se retrouvent en tout cas
dans une démarche commune : persuader le cheval plutôt que le soumettre, le
convaincre au lieu de le contraindre, et ne jamais avoir recours à des moyens
coercitifs…
La méthode Parelli, c’est quoi ?
Lorsqu’on assiste, pour la première fois, à une démonstration
de Pat Parelli, on ne peut que s’interroger : quel est donc le secret de cet
homme qui part au galop, s’arrête net, saute des obstacles, effectue des voltes
ou des changements de pied, le tout sans selle ni filet ? Selon lui, tout est une
question de communication entre l’homme et l’animal. Voilà un secret vieux
comme le monde, mais qu’il a réinventé à sa façon, à la lumière des
connaissances acquises sur le cheval, sa psychologie et son comportement.
Débourrage des poulains
Né en Californie en 1954, Pat Parelli a toujours eu la
passion du cheval. Dès l’âge de neuf ans, il travaille dans des écuries et ne
se lasse pas d’observer les chevaux, leurs attitudes et leurs réactions. Devenu
adulte, quelques rencontres décisives avec de grands hommes de cheval l’aident
à progresser dans sa réflexion sur le dressage, et il commence par se
spécialiser dans le débourrage des poulains. Il travaille ensuite beaucoup avec
des mules, fondant même l’American Mule Association en 1976, fait de la
compétition, et dresse de plus en plus de chevaux qu’on lui confie.
Encouragé par le Dr Miller
Mais au fil
du temps, il réalise qu’il a plus de plaisir encore à enseigner aux gens l’art
de comprendre leur cheval et de communiquer avec lui. Encouragé par le docteur
Robert Miller, qui repère ses talents de pédagogue, il crée alors ses propres
clinics, dont le succès est immense aujourd’hui. Ses élèves en sont la
meilleure publicité.
Très connu aux États-Unis, au Canada et en Australie, où il participe à de nombreuses
manifestations et dirige des stages d’une journée à quatre semaines, il se
déplace également au Mexique et en Europe (Suisse, Allemagne, France),
apparaissant pour la première fois à Equitana (salon très réputé en Allemagne)
en 1995.
Malgré son « look de cow-boy », Pat Parelli ne se limite pas
à l’équitation américaine : certes, il porte un chapeau et des chaps, excelle
en cutting ou en reining et sait manier un lasso, mais il se veut avant tout un
homme de cheval éclectique, ouvert à toute forme d’équitation et à toute race
de chevaux. Il travaille, d’ailleurs, aussi bien des islandais ou des shires
que des quarter horses, fait de l’obstacle et du dressage, trotte enlevé (ce
que ne font guère les cow-boys !), et accueille, lors de ses stages, bon nombre
de cavaliers en selle anglaise.
Pas uniquement les cavaliers western
Ainsi, malgré les apparences, sa méthode ne
s’adresse pas exclusivement aux cavaliers férus d’équitation western, mais à
tous ceux qui souhaitent approfondir leur connaissance du cheval afin
d’exploiter, avec leur monture, des possibilités qu’ils ne soupçonnaient pas.
En effet, selon Pat Parelli, toutes les difficultés que
rencontrent les cavaliers avec leur cheval proviennent d’une
méconnaissance de sa
psychologie, et reposent sur un malentendu :
celui d’utiliser systématiquement une « logique humaine » dans
le travail avec le cheval, au lieu de chercher à se mettre à
sa place – mentalement, émotionnellement et physiquement.
Un animal-proie
« Pensez comme un
cheval, agissez comme un cheval »,
conseille Pat Parelli. Pour communiquer avec notre monture d’une façon efficace, dans des termes qu’elle puisse comprendre, il faut toujours considérer
les choses de son point de vue, et non du nôtre. Or, biologiquement, ce point
de vue est celui d’un animal-proie, qui perçoit l’homme comme un prédateur.
Parelli part du principe que le cheval n’obéit pas à des
règles imposées par l’homme, mais aux lois de la nature. Il est programmé pour
être une proie (comme en témoigne la position bilatérale de ses yeux, qui lui permet de mieux repérer
les prédateurs), et mû par trois instincts majeurs qui conditionnent son
comportement : la perception du danger, le réflexe de fuite quand il a peur, et le tempérament
grégaire. Ce qu’il recherche avant toute chose, c’est le confort, le bien-être
et la sécurité.
Etre le leader naturel de son cheval
Pour obtenir de son cheval
les meilleurs résultats, le cavalier doit d’abord lui prouver qu’il est
en sécurité, quelle que soit la situation dans laquelle il le place. Pour cela,
il lui faut amener son cheval à le considérer non plus comme un prédateur, mais
comme un « leader naturel », l’équivalent du cheval dominant dans la horde,
dont il ne discute pas les suggestions. Alors seulement, il pourra utiliser le
confort et l’inconfort pour modifier le comportement de son cheval.
Ce principe du confort comme seul réel stimulant des
animaux-proies (bien plus que la louange ou la récompense) est à
la base de la méthode de Pat Parelli. La meilleure façon d’enseigner quelque
chose à un cheval, c’est de le mettre dans une position d’inconfort quand il ne
le fait pas, et de lui rendre immédiatement son confort quand il le fait.
Mais
attention : « inconfort » ne signifie pas « punition » ! Pour Parelli, rien
n’est pire que d’avoir recours à la force, l’intimidation ou encore des moyens «
mécaniques » (mors plus dur, bandeau sur les yeux, etc.) pour résoudre un
problème. C’est non seulement barbare, mais aussi inutile, car c’est adopter
une attitude de prédateur qui va, automatiquement, induire chez le cheval son
comportement de proie. Lorsqu’un cheval
résiste, il faut d’abord chercher à comprendre pourquoi, et se remettre
en question soi-même.
Pas d'enrênements coercitifs
Le but de Pat Parelli est d’amener les cavaliers à
réfléchir, et à développer leurs capacités personnelles au lieu de compenser
leurs propres inaptitudes par des aides artificielles.Dans cette optique, Parelli bannit tout matériel équestre
utilisant la force physique pour soumettre le cheval : à ses yeux, les
enrênements sévères, hackamores mécaniques, rênes allemandes, martingales,
grosses embouchures, etc., ne sont que « de bonnes excuses
pour de mauvaises mains ». Sa préférence va aux équipements les plus
naturels possibles (licol souple et léger dénué de toute pièce métallique,
simple mors brisé, licol ajusté faisant office de hackamore, en corde ou en
cuir...), utilisés non comme des moyens coercitifs, mais comme de véritables
outils de communication.
Parler le même langage
Pour apprendre à ses élèves à « parler le même langage que
leur cheval », clef de la réussite, Pat Parelli a mis au point une méthode de
travail à deux facettes : au sol et en selle (ou à cru). Différents exercices
évolutifs, que nous ne pouvons détailler ici, mais dont nous donnerons
l’optique majeure, permettent à chacun – cheval
et cavalier – de progresser.
En fait, ce sont plutôt des jeux que des exercices, et nous
touchons là un point essentiel de la méthode : « Tout ce que vous faites avec
votre cheval doit être un jeu », recommande Parelli. « Le secret est de jouer
avec votre cheval, mais de travailler sur vous-même. » Le cavalier doit intégrer
le même processus mental que son cheval, s’il veut être compris de lui. Or,
dans la nature, le cheval joue avec ses congénères. « Si
votre cheval est un
loisir pour vous, pouvez-vous être un
loisir pour votre cheval ? », interroge- t-il.
Parce qu’un cheval qui s’ennuie
ne peut donner le meilleur de lui-même, le cavalier doit, le plus possible,
faire appel à son imagination, et le motiver en lui proposant des
activités variées.
Le mental, pas seulement le physique
Ainsi, la
traditionnelle et interminable séance de longe sur un même cercle est à
proscrire, car elle ne fait qu’entraîner physiquement le corps du cheval, sans
influer positivement sur son
mental. Lorsqu’il longe sa monture, le
cavalier a tout intérêt à lui demander les mêmes choses que sous la selle :
avancer, reculer, descendre une pente raide, etc. Dans la méthode Pat Parelli, le travail au sol est
absolument capital, au point d’étonner les cavaliers ayant reçu une
instruction traditionnelle : « La majorité des leçons d’équitation commence et
finit sur le dos du cheval », déplore Parelli. C’est pourtant au sol que le
cavalier peut apprendre à son cheval à
le respecter, et donc à le considérer comme son leader, en adoptant une
attitude de justice faite de douceur, d’assurance et de fermeté.
Une fois le
respect obtenu, et pas avant, il pourra se mettre en selle.Les exercices sont nombreux, qui consistent à solliciter une
attention soutenue du cheval envers l’homme (trop de cavaliers s’accommodent d’un cheval qui les ignore, détourne la tête, etc.), et à
le mobiliser dans toutes les directions, en liberté et en longe. Comme
toujours, on se base sur la psychologie du cheval, en l’occurrence sur ce que Parelli appelle le
« réflexe d’opposition » des animaux- proie, cet instinct qui pousse le cheval
à résister aux différentes pressions exercées sur lui : le licol, le mors, la
jambe du cavalier...
Céder à la pression
Il s’agit d’apprendre au cheval qu’il peut trouver
lui-même son confort en cédant à la pression, plutôt qu’en s’y opposant. Le
cavalier sollicite donc un déplace- ment par une pression quelconque (les
doigts, la longe), et dès que le cheval cède, interrompt sa pression pour en
délivrer le cheval. Très vite, celui-ci comprend qu’il ne tient qu’à lui
d’obtenir le confort recherché, et choisit de suivre les suggestions de son
cavalier (au lieu d’y être contraint).
Parelli joue également sur la communication gestuelle,
utilisant beaucoup le langage du corps, et même l’expression du visage.
Une assiette indépendante
Il
s’agit d’établir progressivement avec son cheval une sorte de code, sous forme
de signaux qu’il reconnaîtra instantanément.
Sur la simple sollicitation d’un
doigt pointé, par exemple, le cheval est
capable de reculer sur plusieurs mètres, ou de monter dans un van.
Sur le dos du cheval, le cavalier appliquera les mêmes
principes qu’au sol, mais en cherchant
constamment à avoir une «
assiette indépendante", c’est-à-dire une parfaite maîtrise de chaque mouvement,
de façon autonome. Ainsi, telle pression de la jambe ou de la main ne doit
pas être contredite par le mouvement fortuit d’une autre partie du corps. C’est
à cette seule condition qu’il pourra travailler
l’impulsion de son cheval, et le
diriger efficacement.
Bâtir une relation durable
D’une façon générale, on ne peut « faire du Pat Parelli » en
arrivant au club juste à temps pour seller, monter une heure et repartir.
L’intérêt de sa méthode est qu’elle prend le temps d’observer et de comprendre
le cheval, afin de créer avec lui une relation durable fondée sur l’amitié, la
confiance et la dominance. Si Pat Parelli se définit plus comme un dresseur «
de personnes que de chevaux », c’est qu’il souhaite amener le plus grand nombre
de cavaliers possible à pratiquer une équitation qui respecte profondément le
cheval, c’est-à-dire qui ne le dénature pas.
D'Andy Booth à Antoine Cloux
Une approche que d’autres grands « chuchoteurs »,
comme Andy Booth, Martin Black ou Antoine Cloux, ont à leur tour développée pour mieux
répondre aux attentes des cavaliers en quête d’une équitation fondée sur l’harmonie
et le respect mutuels…
Source : Les grands maîtres de l'équitation américaine, par Natalie Pilley-Mirande (éditions Zulma, épuisé). Tous droits réservés.
Pour en savoir plus sur Pat Parelli, découvrez son site officiel
Partez en stage d'éthologie "Secrets de chuchoteurs" en Corrèze avec Cheval d'Aventure
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