Frédéric et Jean-François Pignon libèrent la nature des chevaux
Ils font partie du
sérail privilégié des dresseurs et artistes équestres français qui remportent un immense succès à l'étranger. Face à tous les publics, cavaliers ou non, les « frères Pignon » forcent le
respect des amoureux du cheval et de l’approche éthologique.
Deux frères, un même amour : le
cheval
Frédéric et
Jean-François Pignon ont souvent été opposés, alors que leur lien fraternel est
très fort. Si Frédéric Pignon axe son approche avant tout sur le cheval et
Jean-François sur l'humain, les deux ont à cœur de nous aider à mieux lire et
comprendre les chevaux, mais aussi établir avec eux une meilleure relation. Interview croisée à l'occasion d'un spectacle inédit, l'été dernier, qui les a réunis sur une même piste. A questions identiques, réponses différentes… mais
toujours avec un même dénominateur commun : le respect de la nature profonde du
cheval !
FREDERIC, comment établir une bonne relation avec son cheval ?
D’abord, il faut savoir pourquoi nous sommes ensemble : qui
a fait le premier pas ? Est-ce le cheval
qui nous a choisis ? Est-il rentré dans notre vie par hasard ou l'avons-nous
choisi pour une raison ou une autre ? Cela nous permet de savoir où nous
voulons aller, ce que nous voulons construire avec notre cheval. Ensuite, le plus important avant de créer toute relation,
c’est vraiment la lecture du cheval. Il
faut se comprendre le mieux possible, donc lire le cheval, puis nous exprimer
en langage « cheval ».
Quelle est la bonne
attitude à avoir face à un cheval agressif ?
Selon moi, la vraie bonne attitude à avoir est d’essayer de
le comprendre. Il faut identifier les erreurs qui ont été faites, parce
qu’il y en a forcément eu pour en arriver là ! Cela peut être des erreurs
d’éducation, de comportement… Nous croyons toujours que ce sont les chevaux qui ont des
problèmes de comportement alors que généralement, ce sont les humains qui en
ont. Souvent, en tant qu’humains, nous voulons soumettre le
cheval à nos lois. Or, un cheval agressif est généralement un cheval qui
justement ne veut pas s’y plier. Il faut essayer de le comprendre, être très
humble et trouver le biais. Nous devons quand même nous positionner de façon claire.
Nous voulons être celui qui décide, qui mène la danse mais il faut le faire
avec énormément de subtilité.
Un cheval
agressif va chercher le combat, le conflit et la confrontation pour savoir qui
décide, souvent par insécurité. C’est particulièrement vrai pour les étalons
mais pas seulement. Je me dis toujours qu’il faut faire appel aux plus belles et
aux plus fortes émotions positives - ou
en tout cas énergies positives – que l’on puisse avoir. Comme dit Linda
Tellington-Jones, c’est l’amour en définitive. Un cheval agressif ne peut pas être travaillé avec la peur.
Linda dit une chose très juste : l’émotion qui s’oppose à l’amour, ce n’est pas
la haine ni l’agressivité, c’est la peur. Elle nous rend bêtes, elle nous rend
méchants. Finalement, quand nous sommes face à un cheval agressif, nous devons
surtout nous contrôler pour ne pas avoir peur. La peur (et l’adrénaline qui en
émane), nous rend souvent agressif, tendu, ou encore injuste. La peur nous fait
devenir très froid et ferme. Au contraire, il faut aller chercher dans tout ce
qu’il y a de plus positif et être très accueillant, très patient, bref très zen. Un cheval qui est agressif cherche son guide plus qu’un
leader. Il cherche quelqu’un qui le rassure.
Un mot sur ton frère ?
Malgré un langage différent, on se rend compte qu’on a
beaucoup de similitudes dans notre relation avec les chevaux. J’aime beaucoup
le voir travailler avec ses chevaux, je le trouve très inspirant.
JEAN-FRANCOIS, comment établir une bonne relation avec son cheval ?
Le point le plus important pour moi, la base, c’est le bien-être personnel. Si nous ne sommes pas en harmonie avec nous-même, il va être
difficile de trouver l’harmonie avec notre cheval. Comme nous ne pouvons rien
leur cacher et qu’ils détectent tout, si nous sommes dans une pensée positive,
ça va aider. Il ne faut pas sous-estimer cette capacité à ressentir du cheval.
Elle est énorme. Je pense qu’elle dépasse ce que nous pouvons imaginer, même en
connaissant les chevaux. Il faut commencer par rechercher ce bien-être.
Ensuite, il ne faut pas s’en faire si ça ne marche pas. Il faut continuer
tranquillement, et rester dans le plaisir à essayer de trouver une harmonie. Ça
finit toujours par marcher.
Il y a aussi l’absence du langage : le silence. Je la trouve
tellement évidente aujourd’hui alors qu’à l’époque où je l’ai mise en place ça
n’était pas si facile que ça. Dès que nous nous forçons à faire ou ne pas faire
quelque chose, nous n’avons plus ce
naturel et cette décontraction. Aujourd’hui, c’est beaucoup plus naturel et je
vois les progrès que j’ai en peu de temps sur des animaux qui ont un passé (ou
pas d’ailleurs).Je trouve que le silence nous amène dans une perception de
subtilité autre que quand nous utilisons la parole. Nous devenons plus à
l’écoute de tout le reste, comme quand on dit qu’un aveugle développe les
autres sens. Quand nous sommes avec nos chevaux, nous acceptons d’aller dans un
monde qui n’est pas le nôtre. Quelque part, c’est de l’humilité d’accepter d’y
aller, et c’est leur témoigner du respect que d’utiliser ce silence tel qu’ils
le font très bien entre eux. Le silence fait également partie de la récompense,
accompagné de sérénité, d’absence de sentiments négatifs, l’ensemble mettant le
cheval dans le confort.
Quelle est la bonne
attitude à avoir face à un cheval agressif ?
Avant de parler technique il faut parler d’état d’esprit
parce que c’est le pilier pour moi. Sans état d’esprit, la technique ne vaut
pas grand-chose. Il faut être rempli d’humilité et en même temps être
persuadé que nous avons le pouvoir de régler le problème. C’est un peu
déstabilisant pour des êtres humains. Nous avons du mal à faire la part des
choses. Nous devons être convaincus d’être capable de le faire, tout en nous
disant que nous sommes tout à fait capables d’échouer : il faut donc à la fois
être très confiant et rester concentré. La peur est un vrai blocage. Il est évident que pour régler
un problème face à un cheval agressif, il ne faut pas avoir peur. Sinon, la
gestuelle est bloquée, et nous perdons la conviction et l’autorité. Face à des
chevaux qui sont des « scanners sur pattes », nous ne pouvons rien cacher, pas
tricher. La prière m’aide énormément à ce niveau-là. Une fois que
j’ai prié, je me dis que je suis protégé.
Un mot sur ton frère ?
Il reste pour moi l’artiste de nous deux. Il soigne chaque
détail et je le trouve beaucoup moins « brut de pomme » que moi.
Consultez la page Facebook de Frédéric Pignon
Propos recueillis par
Annemarie Ledoux
Photos : © Annemarie Ledoux.
Article paru dans le
magazine Cavalière 62
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