Bertrand Collinot, chuchoteur des chevaux de Corrèze
Formé auprès des plus grands maîtres, découvrez l'histoire de Bertrand Collinot, chuchoteur et éthologue établit au cœur des forêts de Corrèze.
Comment
avez-vous découvert les chevaux ?
A l'origine, je suis issu du
monde aquatique, pisciculteur et aquariologiste de métier plus exactement. La passion pour les
chevaux est arrivée bien plus tard !
Enfant, j'étais attiré par
les chevaux, mais pas de façon conventionnelle : je traînais dans les prés,
j'attirais les chevaux avec un bout de pain puis je montais dessus et partais
au galop... Mes parents m'ont donc offert une année d’équitation dans un centre
équestre plutôt classique. J'ai tourné en rond dans le manège avec des
moniteurs avec des méthodes presque militaires qui me hurlaient dessus. J'en ai
retenu le dégoût et même un début de peur.
Je suis revenu aux chevaux bien
plus tard, par un concours de circonstance. Je suis tombé sur un reportage télé
sur le métier de guide équestre et la découverte de l’équitation d’extérieur
comme une vraie discipline, ça me plaisait... A l'époque, tourner dans un manège
ne m'intéressait pas mais la randonnée à cheval m'attirait.
Le mois suivant, je montais
un projet en congé individuel de formation pour me reconvertir. J'ai fait un an
en formation pendant laquelle j'ai passé 14 examens : tous mes galops de pleine
nature, mes galops d'attelage, mon ATE (accompagnateur de tourisme équestre) ainsi
qu'un diplôme de maréchal.
J'ai ouvert mon centre de
tourisme équestre en 1997, dans une ferme à l'abandon et avec l'aide de ma femme Hélène !
Pourquoi
avoir choisir l'éthologie et le western ?
Je suis venu à l’éthologie avant
la monte western. J’accompagnais des randonnées équestres et un accident m'a
fait prendre conscience qu'on ne connait et comprend pas les chevaux comme on
pourrait le croire... Je me suis alors rendu compte que je ne voulais pas juste
faire des randonnées touristiques, j'avais envie d'apprendre à connaître les
chevaux. Une amie m'a amené chez Christian Cazor, chuchoteur et premier élève
de Pat Parelli. Je ne croyais pas à ce stage mais je l'ai quand même suivi,
admiratif.
Je me suis rendu compte que
tous les cavaliers que j'ai côtoyé, moi inclus, nous ne connaissons rien aux
chevaux. C'est alors le début de 10 ans d'une sorte de compagnonnage à étudier
chaque méthode : Pat Parelli, Nicolas Blondeau, Mario Luraschi, Andy Booth et beaucoup d'autres. Jean-François Pignon, grand homme du spectacle équestre, ne
faisait pas de stage à l'époque, alors je l'ai un peu harcelé en lui disant que je voulais
apprendre avec lui, ce à quoi il m'a répondu "Je n'apprends pas aux
humains"... de quoi refroidir. Mais
à force de persévérance, il a quand même accepté de me retransmettre son savoir et 10 ans après j'étudie toujours sa méthode !
L'apprentissage
a été facile ?
Bien sûr que non ! Même après
un an de formation intensive, on ne connait pas grand chose aux chevaux. Pat Parelli lui-même
disait "Les 1000 premières heures,
vous commencerez à vous sentir à l'aise sur une selle, mais il vous en faudra
1000 de plus pour commencer à comprendre le cheval".
Pourtant à l'époque je me
sentais bon, mais je ne l’étais pas. J'avais trop de main, pas de coordination.
Christian Josquin, élève de Nuno Oliveira m'a fait monter devant lui. J’étais
fier de ma prestation ! Il m'a regardé en silence et m'a dit au bout de 10
minutes "Ton cas n'est pas désespéré". C'est ma première claque, cela
voulait tout dire.
Il
y a eu d'autres moments difficiles visiblement...
Oh oui, bien évidemment ! J'étais
déjà professionnel, j'avais débourré des chevaux, je pensais commencer à être
reconnu. Christian Cazor m'a fait descendre de mon piédestal et m'a fait comprendre qu'il fallait me remettre en question. Vexé, je suis parti
bougonner dans ma voiture. Une fois calmé, j'ai réfléchi et je me suis dit qu'il
me restait deux choix : continuer, persévérer et tout reprendre ou abandonner. A
ce moment-là, je n'avais qu'une envie c'était de retourner avec mes poissons...
Puis je me suis dit que c'était bien trop facile d'abandonner. Alors j'ai
décidé de persévérer et d'apprendre vraiment le langage du cheval. J'ai fait des rencontres
passionnantes qui m'ont permis de continuer.
Quel
type d'équitation pratiquez-vous ?
En réalité, il n'y a que deux
types d’équitation : la bonne et la mauvaise. Je pratique l’équitation western,
mais une de mes plus belles rencontres reste Michel Henriquet, cavalier en
dressage classique et conseiller technique auprès du Cadre noir de Saumur.
Pourtant peu convaincu de l'éthologie il y a quelques années, il était en admiration devant Pat Parelli à qui il avait confié son jeune
lusitanien âgé de trois ans assez compliqué...qu'il a réussi à dresser sans mal.
Michel Henriquet était stupéfait de voir Pat Parelli débourrer son cheval, il ne
croyait pas plus qu'à cette méthode.
Pourquoi
avoir choisi l'équitation western après l'éthologie ?
Je me suis orienté vers
l’éthologie pour monter à cheval. L’éthologie, c'est l'observation de l'animal
dans son milieu naturel. C'est donc une science et je ne suis pas un scientifique, je suis un cavalier. Le but est de reproduire cette emprise mentale
domination-hiérarchisation mais de manière froide et sans agressivité.
Ce qui me plaît, c'est de connaitre et d'apprendre le langage du cheval. J'ai
observé de nombreux chevaux, sur plus de 30 hectares. J'ai beaucoup appris
pendant mes diverses rencontres : la domination, le leadership, cette emprise
bienveillante et la clé de voûte "Je te protège, tu me donnes".
Je suis fasciné par cette
façon de travailler, car je ne crois pas à la force. Tout ce que vous essayez
d'instaurer par la force avec un cheval ne fonctionne pas, il faudra
recommencer sans cesse : on ne passe rien en force, il faut que le cheval accepte de lui-même. Vous pouvez forcer un cheval à monter dans un van une première
fois, mais la seconde fois, ça ne fonctionne pas.Je suis profondément attiré
par l’équitation western puisque c'est la seule forme d'équitation où l'on
débute par le travail au sol avant de passer à cheval...
Quelles
disciplines préférez-vous ?
Il y a plus de 40 disciplines
en équitation western, c'est assez difficile de choisir ! J'ai fait des
concours de tri de bétail, de trail (l'équivalent du trec), de western
pleasure... mais je n'aime pas me donner en spectacle. Pour moi les concours ne sont pas représentatifs de ce que l'on peut vraiment faire avec un cheval. Mon but n'est pas de former de "petits robots à gagner" ! Après avoir testé un certain nombre de disciplines, m'être formé
auprès de grands noms du milieu western, j'ai développé mon école d'équitation western et éthologique. Mon but est vraiment la retransmission du savoir. Une des disciplines phares de l'équitation américaine est le reining. C'est une discipline de dressage
qui exige un cheval calme en toute circonstance. L'objectif dans cette
discipline équestre est d'effectuer un enchaînement de figures spécifiques
comme des changements de pieds, des cercles, des arrêts nets sans transition,
des arrêts glissés... C'est une discipline qui exige également un bon cavalier
capable de contrôler et diriger sa monture à une main avec précision et sans
résistance de la part de sa monture.
Je pratique toujours le
reining en y ajoutant ma touche éthologique. Je travaille notamment en
collaboration avec Fabien Boiron, champion européen de reining.
Quels
sont vos projets ? Des vacances dans un ranch aux USA par exemple ?
J'adorerais, j'en rêve, j'en ai
parlé avec l’équipe Cheval d'Aventure... mais malheureusement, je n'ai pas pris
de vacances depuis bon nombre d'années. Je dois m'occuper de mes 20 chevaux, et
de tous mes hectares !
Mon projet, c'est de
continuer à m'occuper de mes chevaux, continuer à former. Je forme les
cavaliers au monitorat BPJEPS WESTERN avec ma touche d’éthologie, c'est ce que j'aime.
Je fais également des stages,
depuis plus de 12 ans. L’idéal est de le faire avec son propre cheval, mais
même avec mes chevaux les cavaliers en ressortent changés. Je les rends
autonomes, ils se forgent une autre vision du cheval. Chaque année, je rajoute
des nouveautés à mes stages car je suis en constante évolution. Comme m'a
dit Ray Hunt lors d'un stage : "J'ai
70 ans, en regardant, j'apprends encore, on croit savoir mais on ne sait rien".
Je suis également en train d’écrire un livre, sur mon travail au quotidien. J'y donne des chemins à suivre selon les différents cavaliers, les différents chevaux et les couples cavaliers/chevaux pour une éducation complète. C'est un renfort relationnel. Chaque cavalier exploite un quart du potentiel de son cheval, un peu comme deux adultes qui ne se parlent pas. Il faut les aider.
Vous êtes comme un psychologue ?
En quelque sorte, mais de façon sauvage et non conventionnelle ! Je ne suis pas passionné par la race humaine, mais j'adore les nouvelles rencontres : en observant un cheval, je comprends son cavalier et inversement. C'est à cela que servent mes stages...
Venez rencontrer Bertrand et partagez sa passion lors d'un stage en Corrèze de 3 jours ou 6 jours, avec Cheval d'Aventure !
Découvrez aussi notre article sur le secret des chuchoteurs...
En 2019, Bertrand a aussi écrit un livre " Un pas vers le langage du cheval".
Bertrand Collinot s’est lancé au début des années 1990 dans la filière équestre
afin de faire de sa passion son métier. Il a ainsi créé en 1997 en Haute Corrèze
la structure équestre dont il rêvait, le Petit Canada. S’étant rapproché au début
des années 2000 des premiers tenants de l’équitation éthologique, il n’a cessé
depuis de se former auprès d’eux, puis de partager à son tour le fruit de ses
observations, mises en application au sein de son élevage. C’est dans cette
optique de transmission qu’il a passé ses brevets d’État en tourisme équestre et
en équitation western, et qu’il met aujourd’hui le savoir issu de son expérience à
la portée de tous au travers de cet ouvrage.
Disponible sur Amazon.