Découvrir un pays à cheval
Pourquoi découvrir un pays à cheval ? Christophe Leservoisier, directeur de
Cheval d'Aventure, nous dévoile comment il choisit les cavaleries pour vos voyages...
C’est
le signal du départ, au début de chaque étape, de milliers d’étapes, ensemble
nous larguons les amarres pour naviguer vers la liberté, entre terre et ciel,
pour des rendez-vous avec des paysages et des amis encore inconnus. Le cheval
est un buveur d’espace, tant qu’il avance, son moral est inébranlable, toute
son énergie est tendue vers le cap, chaque pas le rapproche de la halte du soir.
Les montres sont au fond des sacs, désormais le temps et l’espace se mesurent au
pas des chevaux, entre lever et coucher du soleil, d’un horizon à l’autre.
Les
chevaux du monde
Le cheval est la clé de voûte de
toute chevauchée. Il faut lire les récits de voyageurs au long cours,
Jean-François Ballereau, Stéphane Bigo et tant d’autres, pour observer le soin
qu’ils mettent à choisir leurs compagnons de route pour de longs mois à cheval.
Lorsque je prends des contacts
pour organiser des randonnées équestres, je cherche toujours à avoir les meilleurs
chevaux possible. La barre peut être très haute dans les pays où le choix est
vaste. J’ai souvent remarqué que, dès le deuxième voyage, nous avions
réellement les “meilleurs chevaux possible”; les propriétaires s’étant rendu
compte du niveau des cavaliers et du respect qu’ils avaient pour leurs chevaux.
Depuis la nuit des temps, le
cheval a élu domicile dans les steppes et les savanes.
L’Asie Centrale a été le
berceau de grands troupeaux de chevaux sauvages ; ils y trouvaient la
nourriture, et l’espace qui leur permettait d’échapper aux prédateurs.
Cependant, peut-être mené par l’homme, le cheval a élargi son territoire. Il
s’accommode de la proximité des déserts au Proche-Orient ou en Afrique du Nord,
il grimpe sans problème à 5 000 m dans les Andes ou l’Himalaya, il
supporte les froids du cercle Polaire ou la chaleur du cœur de l’Afrique. Il
est des chevaux retournés à l’état sauvage qui ont choisi les déserts de
Namibie, la forêt claire d’eucalyptus pour les brumbies australiens ou les steppes désertiques du Nevada pour les
mustangs. Les seuls territoires qui semblent ne pas lui convenir sont le cœur
des déserts de sable, la forêt tropicale ou les ultimes crêtes montagneuses.
Quelle image est plus porteuse de
rêve qu’un troupeau de chevaux sauvages ? Ce cheval, incarnation de la
liberté, s’est même habitué à être enfermé, seul, dans un box !
Les meilleurs ?
Souvent on me
demande quels sont les meilleurs chevaux pour la grande randonnée. J’avoue
avoir connu des émotions inoubliables avec les chevaux arabes du désert, élevés
en pleine nature : les arabes du domaine de l’Habitarelle en Lozère
(origines tunisienne et syrienne) et aussi ceux que j’ai monté au Maroc, en
Tunisie ou en Jordanie. Généreux et francs, ils sont très attentifs à leur
cavalier et recherchent la connivence avec l’homme. Ils ont un mental
d’exception, une sûreté de pied sans faille. Ils sont sobres, endurants et équilibrés,
leurs allures sont légères, ils effleurent à peine le sol : au galop ils
volent !
Objectivement,
en toutes circonstances, le meilleur cheval est celui du pays où on va
randonner. Qu’il soit de race ou pas, il est parfaitement adapté à
l’environnement, au terrain, au climat, au pâturage naturel… et aux microbes
locaux : le criollo pour
franchir les Andes, le cheval tibétain dans les hauts-plateaux du Tibet et de
l’Himalaya, l’islandais pour chevaucher dans les frimas nordiques, le camargue…
en Camargue.
Les bons
chevaux de randonnée sont souvent de taille moyenne ou petite, modèle court et
compact, ils ont des aplombs solides et une poitrine large, le mental calme et
équilibré, le pied sûr, idéalement
ils sont sociables entre eux ; quant aux allures, on leur demande
avant tout un bon pas, énergique et engagé.
Les caractères
et les capacités des chevaux sont multiples, ils varient d’un sujet à l’autre
et aussi d’une race à l’autre. Le cavalier de nos contrées découvre l’étonnante
endurance du cheval des steppes, la sûreté de pied stupéfiante du cheval de
montagne, la docilité du cheval qui travaille avec les troupeaux, la légèreté du cheval arabe, la
puissance du cheval de chasse, les allures insolites et si confortables du
cheval islandais ou du cheval de paso, etc. etc.
Un
duo subtil : cheval - cavalier
Entre hommes et
chevaux, l’éventail des rencontres et des échanges est inépuisable. Pour cette
raison, l’attribution des chevaux, au départ d’une randonnée, est cruciale. Avant
de constituer le duo cheval-cavalier, j’ai toujours été très attentif à
l’attente du cavalier et à la description que fait le propriétaire des chevaux,
de leur caractère et de leurs habitudes. Le choix reste cependant un coup de
poker et, pour le cavalier, la découverte de son cheval de randonnée est
toujours une gageure.
Deux sensibilités apprennent à se connaître, établissent
un langage puis des accords, des échanges pour atteindre la bonne entente et
souvent la complicité. On n’est pas là pour se mesurer mais pour être heureux
ensemble.
Le dialogue à trouver est un
mélange de savoir-faire, d’écoute, d’autorité, de respect, de patience, dont le
dosage peut varier à l’infini. Lorsqu’il y a connivence (les coups de foudre
existent et c’est parfois le cheval qui choisit), le bonheur de la randonnée est
décuplé. De la lune de miel à la bonne camaraderie, tous les couples
cheval-cavalier trouvent un terrain d’entente.
La toute première approche est
capitale. Avant même de toucher une future monture, l’attitude corporelle, les
gestes, le ton de la voix sont très importants. Il faut laisser le cheval
reconnaître l’odeur du cavalier, de ses vêtements, de son équipement.
Je me
rappelle la déception de notre petit groupe de cavaliers bien intentionnés,
approchant en douceur le premier piquet de chevaux mongols, le sursaut des
chevaux, leur recul, presque une répulsion à notre odeur, au bruit de nos
vêtements. Il a fallu nous imprégner des parfums d’herbe, nous enfumer aux feux
des veillées et boire de l’aïrak pour exhaler une odeur acceptable pour nos
petits coursiers de la steppe.
Équitation
de randonnée
À la différence des autres
pratiques équestres, la randonnée impose au cavalier et à sa monture une
communication presque immédiate, nécessairement intuitive, quasi instinctive :
ils disposent de peu de temps pour faire connaissance. L’échange est d’autant
plus réussi que le cavalier est réellement à l’écoute, a une bonne pratique
équestre et l’expérience de nombreux chevaux.
Celui qui veut voyager à cheval
doit d’abord être un cavalier à l’aise aux trois allures dans tous les terrains.
J’ai rencontré beaucoup de candidats aux expéditions qui avaient fait du manège
uniquement dans l’intention de découvrir à cheval le pays de leurs rêves.
Il faut savoir que le cheval
proposé au cavalier en Patagonie, en Islande ou au Mali ne connaît pas le
vocabulaire des traités d’équitation : les effets de rênes ou d’assiette,
le vent de la botte et autres raffinements des équitations élaborées leur sont
inconnus. Il est toujours prudent de se faire expliquer le language auquel le
cheval est habitué. En Éthiopie, la mise en selle s’effectue par la droite et
le cavalier dispose d’une seule rêne ; attention à l’effet levier du
hackamore ou à la brutalité du mors arabe ; en Mongolie, le galop se
demande à la voix par un “tchou” énergique, impossible d’avoir un contact du mollet
avec les selles kazakhs ou western, etc.
À voyager à cheval par le monde,
on se rend compte qu’en matière de pratique équestre et de soins aux chevaux,
on fait là-bas presque le contraire de ce qui se pratique ici et que cela
fonctionne aussi bien partout ! À ce petit jeu, une fois encore, les
chevaux font preuve d’une sacrée dose de bonne volonté et d’adaptabilité.
Les chevaux de pleine nature, ceux
qui ignorent le box et la paille jusqu’au ventre, conduiront leur cavalier avec
énergie et en toute sécurité jusqu’à la prochaine étape. Ils connaissent le
terrain, inutile de leur indiquer comment contourner un obstacle, car ils
savent choisir le meilleur endroit où poser les pieds ; au cavalier
d’adopter une position légère, de comprendre quand sa monture à besoin
d’allonger l’encolure, à lui de trouver la juste tension de rênes, d’indiquer
la direction et de régler l’allure. La voix pour stimuler ou remercier, la
caresse, tous les chevaux comprennent ce langage, même s’ils sont à peine
débourrés, comme en Mongolie ou en Islande, pays où ils sont délibérement
laissés proches de l’état sauvage pour qu’ils gardent leur instinct de survie
face aux conditions climatiques extrêmes ou aux prédateurs. Lorsqu’ils se
sentent en confiance, ces chevaux élevés en pleine nature font preuve d’une
générosité sans réserve, d’une endurance sans faille, d’une sûreté de pied de
chèvre, ils sont sociables entre eux et respectent le cavalier qui marche à
leur côté. Il faut parfois beaucoup de patience pour les éloigner du troupeau
qui est leur gage de survie et comprendre leur impatience à être libérés au
plus vite, une fois l’étape parcourue.
Si j’ai choisi de randonner en
compagnie d’amis cavaliers, c’est parce que j’éprouve toujours un grand bonheur
à partager, mais aussi parce que les chevaux se sentent tellement mieux, sont
plus motivés et dynamisés au milieu de congénères, l’ardeur est communicative.
Un tel entrain est plus difficile à obtenir lorsque le cheval est confiné à la
seule relation avec son cavalier.
Le troupeau en liberté, le soir, quand
les animaux se retrouvent au pâturage, est un inépuisable et passionnant sujet
d’observation dont les cavaliers ne se lassent jamais. Là se révèlent les
caractères et les comportements, toute une vie sociale avec ses hiérarchies,
règlements de compte, alliances et affinités.
Des officiers de cavalerie, des
cavaliers de compétition, un champion olympique, venus en randonnée, ont bien
voulu me dire combien les petits chevaux mongols les avaient émus par leur
courage, leur endurance et leur autonomie.
Un
échange entre le cavalier et son cheval
Comme tout être animé, le cheval a
une sensibilité, des élans, des humeurs, bref, une personnalité qui nécessite
écoute, compréhension et bienveillance.
Le cavalier n’hésite pas à mettre
pied à terre dans un terrain trop rocailleux ou une descente éprouvante,
cherche toujours l’eau claire qui désaltère, le pâturage abrité du vent et de
l’humidité. Quelle que soit sa fatigue, à l’étape, c’est son cheval qui est le
premier servi, dessellé, abreuvé, installé au mieux pour la nuit. Le cheval
comprend les paroles et les gestes qui soignent et remercient. Prendre soin de
lui, le panser, le nourrir n’est jamais une charge mais un échange qui
entretient une confiance réciproque.
On le sait, le cheval est un
animal fabuleux, qui incarne la noblesse, la beauté, la liberté. Les cavaliers
savent qu’ils reçoivent en partage un peu de cette fougue, de cette fierté et
de cette indépendance.
Le cheval est un “médium”, un
capteur de sensations, un
révélateur. Non seulement il ressent les émotions et les humeurs de
celui qui le monte, mais il s’en imprègne et les restitue. À cheval, impossible
de déguiser son cœur : si le cavalier veut trouver l’harmonie avec sa
monture, s’il veut avoir un cheval calme et détendu, à lui de maîtriser ses
émotions et d’être en paix avec lui-même.
La vraie complicité avec un cheval
exalte, intensifie tous les bonheurs du voyage. Il nous transporte au propre comme au figuré.
Grâce à sa force et à sa
générosité, il nous permet de franchir tous les obstacles : rivières,
déserts, montagnes, et de parcourir d’incroyables distances.
Sous toutes les latitudes, le
cheval est un passeport infaillible pour des rencontres immédiates. À sa vue,
les visages s’illuminent, les activités s’interrompent, les enfants accourent, les
portes s’ouvrent.Il communique au cavalier sa
perception plus aiguisée du terrain, des présences animales ou humaines. Bien
avant celui qui le monte, le cheval voit les bouquetins dans la montagne, le
berger à l’ombre d’un arbre, il entend un infime craquement de branches,
pressent un sol qui va se dérober.
Le cheminement au pas du cheval
impose un rythme naturel. Le cavalier, par osmose, retrouve aussi une perception
naturelle, sa capacité à observer, la “pleine conscience” de ce qui
l’entoure ; capter les détails du paysage, effluves, messages sonores,
jeux de lumière, course des nuages. Le cheval aide à lâcher prise, réveille des
voix intérieures, “relativise toute chose”, dira Montaigne après dix-sept mois
passés en selle.
Libéré de la marche, tous sens en
éveil, le cavalier est en symbiose avec les flux apaisants de la nature. Son
esprit peut imaginer, méditer, rêver, son âme grandir et s’amplifier… entrer en
résonance avec l’univers. Et surtout, quand il a mis pied à terre, ce n’est pas
une parenthèse heureuse qui se referme pour le voyageur à cheval : le
bienfait d’une remise à niveau avec la nature l’a transformé.
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