J'ai lu...La cavalcade africaine de Mandy Retzlaff
Du Zimbabwe au
Mozambique, Mandy et Patrick nous racontent le combat de leur famille pour
sauver leurs 104 chevaux et leur vie.
L'histoire de
notre famille : entre l'Afrique et les chevaux
La famille de Patrick
Avant
la seconde guerre mondiale, le grand-père de Patrick, Paul, élevait des chevaux
à Berlin. Ses écuries étaient réputées et il aurait entraîné un cheval appelé
Rumpler qui a remporté une médaille aux Jeux Olympiques. Paul s'est marié avec
la fille cadette du Baron Munchausen de Bostok. Ils avaient une vie
privilégiée, Paul était aussi propriétaire d'une banque, la banque Retzlaff
Lewinsky. Paul et Hildegard avaient un véritable amour pour leurs chevaux et ils
ont transmis ce gène de génération en génération.
Leur
vie a basculé avec la montée du fascisme. Paul et sa famille furent bientôt sur
la black list des nazis sans vraiment savoir pourquoi. Ils quittèrent l'Allemagne
pour s'installer en Tanzanie où ils achetèrent une ferme de café appelée
"La voix du lion". La famille ne connaissait rien à l'agriculture et
encore moins aux plantations de café. On retrouve quelques photos de cette
époque où l'on peut voir la famille devant des huttes de terre entourée de
leurs plantations. On peut imaginer le changement radical de vie auquel il a
fallu s'adapter. Après une année en Tanzanie, Paul est atteint d'une infection cutanée et
succombe à une septicémie.
Quand
la seconde guerre mondiale a éclaté, Godfrey, le père de Patrick, a été enrôlé
par l'armée britannique. A la fin de la guerre, Godfrey est rentré en Tanzanie et a commencé à travailler dans des plantations d'arachides employant
des anciens combattants. C'est ici qu'il a rencontré Vera, une jeune femme
anglaise, qui fut dans l'armée pendant la guerre. Ils se marièrent en Tanzanie.
Après leur mariage, ils s'occupèrent d'une ferme laitière au pied du Mont Mehru,
où mon mari et son frère sont nés.
Quand
la Tanzanie obtint son indépendance, Julius Nyere installa des policiers aux
commandes du pays au détriment de celui-ci. Vera s'inquiétait de plus en plus pour
l'éducation de ses garçons et pour leur sécurité.
Ils prirent alors la décision de quitter la Tanzanie et de commencer une
nouvelle vie en Rhodésie, aujourd'hui appelé Zimbabwe.
La famille de Mandy
Quant
à moi, je suis née au Ghana et mon histoire est très similaire. Mon père était
architecte et travaillait pour les services coloniaux depuis la seconde guerre
mondiale. Ma mère était infirmière militaire. Après l'indépendance du Ghana, ne
nous sentant plus en sécurité, nous avons quitté le pays pour nous installer en
Afrique du Sud.
Le Zimbabwe
J'ai
rencontré Patrick à l'université et nous nous sommes mariés en 1978. A cette
époque, c'était le pic de la guerre du Bush en Rhodésie, guerre qui opposait
les forces de sécurité de la République de Rhodésie aux Guérilleros. Ils attaquaient
les fermes, la roue économique du pays. Tous les hommes ont été appelés et de
nombreuses femmes ont fuit leur ferme alors que les hommes passaient de longs
mois dans la brousse. Cette guerre provoqua la disparition de
la Rhodésie de Ian
Smith au profit du Zimbabwe de Robert
Mugabe. Pendant la
période de transition, Robert Mugabe a tendu une main pour la réconciliation,
chaque rhodésien pouvait devenir zimbabwéen et nous allions travailler ensemble
à la reconstruction du pays. Patrick me parlait beaucoup de son
enfance en Rhodésie, où il courait dans la brousse, vivait près de la nature et
des animaux. Il me parlait aussi de sa passion pour les chevaux. Il voulait
cela pour notre famille. En 1980, à la naissance de notre fils Paul, nous avons
pris la décision de devenir zimbabwéens.
La vie au
Zimbabwe
Nous avons habité dans différents
endroits du pays et 10 ans plus tard, nous posions nos valises à Crofton. Défricher
le bush pour bâtir une ferme c'est un peu comme monter un cheval : vous ne
pouvez pas le forcer à vous obéir, vous ne pouvez que lui demander. Comme le
cheval, la terre a son caractère bien à elle. Elle peut être obstinée. Elle
peut être rebelle. Mais elle peut également vous apporter de grandes joies et
vous dévoiler ses secrets si vous
apprenez à collaborer avec elle. Notre ferme prospérait et notre troupeau
s'agrandissait. Toute la famille montait à cheval. Nous transmettions à nos
enfants cette passion du cheval. Des relations étroites s'établissaient avec
certains chevaux. Les enfants participaient aux courses d'équitation à travers
le pays. Nous avions notre ranch au milieu de troupeaux de zèbres et d'impalas
!
Dans les années 2000, Robert Mugabe a mis en place un
référendum pour changer la constitution. Les Zimbabwéens votèrent massivement
non et il perdit rapidement de sa popularité au profit de Morgan
Tsvangerai. L'économie suivit et dégringola, un parti d'opposition se mit en
place. A ce moment, nous avions déjà compris que Robert Mugabe avait manigancé
les meurtres du Matabeleland (une région située au sud, sud-ouest du Zimbabwe) qui ont eu lieu dans les années 80. Les forces
spéciales entraînées en Corée du Nord avaient été envoyées à Matabeleland pour
tuer et violer. Ces atrocités n'ont jamais été relatées dans les journaux par
peur de représailles. Au fur et
à mesure que la popularité de Morgan progressait, la colère de Mugabe
grandissait. Il voulait supprimer cette nation. Comme l'économie du pays était
basée sur l'agriculture, il décida de s'en prendre aux fermiers et de s'en
débarrasser. Nous faisions partie des cibles de ces destructions de 2001 et du
pillage des fermes dans la région de Chinhoyi dans le nord du Zimbabwe.
Nos
voisins se sont barricadés dans leur ferme avec leurs deux jeunes enfants pendant
plusieurs heures, encerclés par les hommes de Mugabe. Ils ont échappé de peu à
cette folie meurtrière. Suite à cet événement, ils ont pris la décision de
partir en Nouvelle-Zélande et nous ont confié leurs chevaux.
A ce
moment-là, mon mari ne voulait pas voir que son pays tombait dans la folie.
Nous avons nous aussi été chassé de notre ferme. Nous avons eu moins de quatre
heures pour emballer une toute vie. Quand j'y repense aujourd'hui, j'ai l'impression
que c'est un mauvais rêve... De nombreux fermiers ont quitté le pays en nous
laissant leurs chevaux. Ils ne voulaient pas laisser leurs chevaux aux mains
des rebelles et nous les confiaient. Plus il y avait de départs, plus nous
avions de chevaux. Nous nous sommes réfugiés pendant plusieurs mois dans
différentes fermes plus ou moins en sécurité. Nous bougions les chevaux au fur
et à mesure de nos déplacements et les placions dans des fermes alentours car nous n'avions pas assez d'espace. Nous avions toujours l'espoir que cette folie
s'arrêterait et que nous pourrions reprendre une activité avec tous ces
chevaux. Mais
il a fallu se rendre à l'évidence, notre vie au Zimbabwe devenait dangereuse.
Nous passions notre temps à nous cacher, déménager les chevaux, ce n'était plus
gérable. En 2001, après la sixième expulsion, beaucoup de stress, de fatigue,
et un manque de pâturages, nous avons pris la décision de partir avec tous les
chevaux au Mozambique. Plusieurs tentatives et pots de vin ont été nécessaires
pour passer la frontière au cœur des Monts Bvumba .
Mozambique, le
nouveau départ
Nous
nous sommes installés à Chimoio au Mozambique, à 80 km de la frontière. Nous pensions prendre un nouveau départ, mais nous n'étions pas au bout de nos peines. Nous
nous sommes investis dans un projet d'agriculture. Malheureusement, ce projet
était à l'époque trop ambitieux et le pays pas encore prêt pour une agriculture
commerciale. Nous avons perdu beaucoup d'énergie et d'argent. Les gens à qui
nous avions prêté de l'argent étaient incapables de rembourser leurs prêts et,
dans certains cas, les produits agricoles ont été vendus à l'extérieur du pays
par des pots de vin payés par les agriculteurs désespérés. Nos investisseurs se
sont rapidement retirés du Mozambique nous laissant, Patrick et moi-même, sans argent
et 104 chevaux dont il fallait s'occuper ainsi que beaucoup de dettes de la
part d'agriculteurs incapables de nous rembourser. Certains de nos chevaux ont été victimes d'actes malhonnêtes de la part des fermiers. La situation devenait
compliquée. Il fallait trouver une solution.
Patrick
a donc décidé d'aller tenter sa chance ailleurs. Il est parti avec 7 chevaux,
un vieux camion, en direction de Vilanculos, une petite station balnéaire à 455
km plus au sud. Mozambique Horse Safari a commencé avec pas un sous en poche et
moi resté à Chimoio pour m'occuper du reste du troupeau.
Les
chevaux se sont très rapidement adaptés à cette nouvelle vie, Patrick restait
optimiste, persuadé que les choses allaient s'améliorer. Malheureusement, à
peine 2 mois après son arrivée, Vilanculos a essuyé un terrible cyclone. Il a
fallu plusieurs années pour reconstruire les infrastructures touristiques de la
ville. Peu de temps après, j'ai rejoint mon mari avec le reste du troupeau.
Nos
chevaux ont beaucoup soufferts du climat et de maladies. Sur les 104 chevaux, il
n'en restait plus que 32. Le Mozambique n'avait eu aucun contrôle vétérinaire
depuis plus de 20 ans. La teigne est une maladie emblématique au
Mozambique et s'est propagée sur nos chevaux. C'est le cœur lourd qu'il a fallu
en abattre. Certains chevaux se sont aussi échappés de leur enclos et on été tué
sur la route, leur viande s'est retrouvée sur les marchés. Le plus triste a été
le sort de 30 de nos chevaux qui furent empoisonnés à cause de l'herbe qu'ils
avaient brouté. Nous les avions envoyé dans cet endroit dans l'intérieur des
terres près de lacs afin qu'ils supportent mieux la saison sèche. Nous nous en
voulions énormément. Nous ne savions pas que les portugais avaient planté de la
crotalaria, ou chanvre du bengale, sur les terres du Mozambique au début de la
colonisation portugaise afin d'enrichir le sol en azote. Nous ne connaissions
pas cette plante et nous étions encore moins au courant qu'elle était mortelle pour
les chevaux. Ils ont commencé à avoir beaucoup de fièvre, du mal à respirer,
nous ne pouvions rien faire seulement les accompagner jusqu'à la fin. Ça a été
des moments très durs pour nous. Shere Khan, une des plus belles juments que l'on nous avait confié, la reine du troupeau, mourut la
dernière.
Nous
avons traversé toutes ces épreuves et nous avons survécu ! Je pense que c'est en grande partie grâce à la
détermination de mon mari, Pat, qui a toujours su aller de l'avant et voir le
bon côté des choses. Il a toujours voulu une vie extraordinaire pour notre
famille.
Des jours
heureux au Mozambique Horse Safari
Mozambique
Horse Safari existe aujourd'hui depuis un peu plus de 10 ans. Nous organisons
des randonnées équestres inoubliables sur des plages grandioses dans notre
petit coin de paradis. Nous vivons dans l'archipel des Bazaruto, décrit comme l'un
des plus beaux endroits au monde. Nous avons sept chevaux sur l'île de
Benguerra, les cavaliers viennent en bateau et profitent de randonnées à cheval
exceptionnelles dans cet environnement à couper le souffle. Nous sommes très
touchés des lettres de cavaliers enchantés d'avoir passé du temps avec nous
dans ce petit coin de paradis... Nous sommes très fiers d'avoir pu accomplir
cela, nos chevaux s'épanouissent dans cet environnement et nous espérons encore
continuer longtemps.
C'est
grâce à nos chevaux que nous avons toujours gardé la tête haute et l'envie de
continuer. Ils nous ont enseigné les choses de la vie et nous ont aidé à
traverser des moments très compliqués tout en restant une famille soudée. Nous
avons des liens indestructibles qui nous unissent au plus majestueux des
animaux, le cheval.
Nous
espérons pouvoir continuer à nous occuper d'eux encore pendant longtemps en
attendant un avenir meilleur pour le Mozambique et pourquoi pas un jour rentrer
chez nous au Zimbabwe.
Rejoignez Patrick et Mandy, dans leur coin de paradis et galopez sur les plages paradisiaques pendant vos randonnées à cheval au Mozambique.
Texte écrit par Mandy, installée avec son partenaire Patrick, prestataires équestres au Mozambique. Vous pouvez également retrouver l'intégralité de leur histoire dans leur livre "La cavalcade africaine".
Disponible sur Amazon
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