Découvrez l'équitation à travers le monde l'édition
Guillaume Henry, directeur du secteur
Equitation aux éditions Belin, nous parle d’histoire et d’équitation au travers
des livres qu'il a écrit et ceux qu’il a publié.
Une histoire de livres et d'hommes
Guillaume Henry, d'où vous vient cette passion
du cheval ?
Mes parents étaient cavaliers et avaient des
chevaux. De plus, il y avait un poney-club (des welsh) sur la
propriété. Monter a donc été quelque chose de naturel. Comme je le dis
dans ma bio, un peu pour l'humour : "Quitte à être assis, autant
l’être sur une selle ! À peine redressé et encore nourrisson, je suis mis
à cheval, avec une paire de rênes pour hochet. "
S'occuper et monter faisaient parti des actes
de la vie courante à la maison. Ma surprise, vers 8-9 ans, a plutôt été de découvrir que tout le monde n'avait pas 70
poneys chez lui... avec cela une grande question existentielle : «Mais
vous faites quoi, le soir, ou le week-end, quand vous rentrez chez vous ? »
Je suis instructeur d'équitation
formé à Saumur, j'ai dirigé des centres équestres. Puis en 2000, j’ai rejoint
le monde de l'édition, sous l'impulsion de Marie-Claude Brossollet, PDG des
Éditions Belin, qui m'apprend mon métier. Aujourd'hui, je suis responsable de l'ensemble
des collections du « département équitation ».
Parlez-nous du département équitation des Editions
Belin
Cela
fait maintenant 15 ans que les Editions Belin publient sur le thème du cheval
et l'équitation. Quinze ans de passion et de rencontres merveilleuses avec des
auteurs formidables. Notre catalogue, fort de plus de 150 titres, est désormais
le plus important catalogue français du secteur. Et il continue de s'enrichir
dans des domaines aussi divers que les soins, la technique, la pédagogie,
l'éthologie, etc...
Le leitmotiv de Belin est d'être
un "diffuseur de savoirs". Je cherche donc des auteurs, des
illustrateurs, des photographes, des sujets, pour de nouveaux ouvrages, je crée
des collections, je lis les manuscrits que l'on m'envoie, et je me balade pas
mal pour voir ce qui se fait ailleurs.
Nous avons aussi de multiples
relations avec nos confrères étrangers.
Neuf livres sur le perfectionnement : instruction cavalière et
travail à pied
Dans les livres que vous avez écrits, on retrouve neuf
petits guides d'instruction cavalière ?
Oui en
effet, l'idée m'est venue lorsque j'ai passé mon monitorat à Conches. A cette
époque, l’examen comportait une question théorique comme par exemple
« quel est l’usage des aides ». Pour y répondre, j'ai appelé
différentes personnes très pro dans ce domaine pour m’en parler ou m’aiguiller
vers des lectures synthétiques ou de référence ; j'ai lu aussi les livres
des grands maîtres équestres, pas forcément faciles d’accès. Mais tout cela ne me donnait
pas forcément des réponses simples à mes questions.
J'ai donc
décidé de faire une synthèse des grands maîtres. J'ai écrit ces livres comme
des mémo-bacs, pour qu’ils soient clairs et simples qu'il soit accessible au
plus grand nombre.Quand je suis arrivé aux Editions Belin,
j'ai récupéré les droits et réédité ces livres. On a revu l'écriture et surtout
changé les illustrations avec des images et des dessins qui aident beaucoup à
la compréhension. Aujourd'hui,
la collection comporte neuf titres où j'explique simplement différentes
techniques.
- Assiette et position
- L'usage des mains
- L'usage des jambes
- S'initier au travail à pied et à la longe
- Les assouplissements du cheval
- Placer son cheval
- Le travail au pas et au trot
- Travail au galop et changement de pied
- Cadence et amplitude
Il me
parait fondamental – et surtout plus pratique ! - de comprendre pour apprendre.
A cheval, tout est relativement logique en termes de causes et d’effets, autant
pour le cheval que pour le cavalier. Les principaux problèmes rencontrés dans
une cession à la jambe, par exemple, ne sont pas infinis. On peut même dire
qu’ils sont assez connus : pas assez ou trop d’impulsion, manque de
rectitude, perte d’équilibre sur une épaule, hanches paresseuses ou au
contraire entablé. A partir du moment où l’on a bien compris,
« intellectuellement » le mouvement et les problèmes qu’on peut y
rencontrer, c’est plus facile de savoir quoi faire et comment le faire. Le
cavalier a alors les cartes en main, et tout est affaire d’expérience.
L'équitation est un art de la relation. C’est
quelque chose de très personnel, de presque intime. Chacun doit trouver sa propre
relation avec le cheval. J’aime paraphraser Bouddha quand il dit « ne
croyez pas une chose parce qu’on vous la dite, faites-en vous-même
l’expérience ». Pour moi, ça illustre bien la démarche qu’on doit
avoir :
- s’entraîner
- s’essayer
- se tromper
- se trouver soi-même
- en soi-même,
- trouver les moyens
- trouver l’usage des aides qui nous correspondent complètement
Mais tout cela est d’autant plus simple qu’on a bien compris les causes et les
effets des exercices comme de l’usage de ses aides.
Parlez-nous de l'encyclopédie junior du cheval et de
l'équitation
A travers les recherches que j'ai faites, je me suis
aperçu que par rapport à nos confrères étrangers, nous n'avions pas – ou très peu - d'encyclopédies, en
français, destinée à un public jeune, et qui ne soient pas des encyclopédies
traduites d’une langue étrangère. Il existe bon nombre d’excellents textes,
mais parce qu’ils sont initialement allemands, ou anglais, ou américains, et
donc initialement destinés à un public allemands, anglais ou américain, ils ne
collent pas vraiment à notre culture et les spécificités de nos usages. J'ai
voulu (modestement) y remédier et écrire une encyclopédie qui permet à un
cavalier français de se plonger dans un monde qui lui parle.
Les textes sont inspirés des manuels de galop 1 à 4 que
j'ai écrit. Il s’agit donc d’une encyclopédie complète, passionnante et
richement illustrée pour découvrir tout ce qu'il faut savoir sur le cheval et
l'équitation. On y apprend de nombreuses choses sur les chevaux, l'histoire de
l'équitation et sur la manière de devenir meilleur cavalier. On parle de façon ludique des parties techniques qui sont
illustrées par de merveilleux dessins fait par Marine Oussedik.
C'est vraiment pour les jeunes cavaliers de 8 à 12 ans
afin de comprendre cet univers nouveau qu'ils découvrent.
J'ai une deuxième encyclopédie en
préparation destinée aux cavaliers plus expérimentés et les nouveaux
propriétaires de chevaux. C'est la continuité logique de la première. Ce sera
comme la précédente encyclopédie, un livre pratique et technique. L'idée est
toujours de transmettre les choses de façon simple. Je réduis les textes,
l'écriture doit être moderne. Et toujours des illustrations et des images très
représentatives.
Vous avez aussi écrit un autre
style de livres équestres, ce qu'on appelle les beaux livres.
Le Cadre noir de Saumur
J'ai effectivement eu envie d'écrire sur le Cadre noir de
Saumur,une des plus prestigieuses écoles d'art équestre, et une exception
française. Ses écuyers sont des cavaliers d'élite doublés de formateurs. C’est
un livre que nous avons fait avec Alain Laurioux. Alain est régisseur général
des spectacles du Cadre noir, et photographe spécialisé. Il a surtout un œil
très particulier ; il aime les gens, l’humain, les chevaux aussi, et cela
donne à ses photos une vraie âme, elles dégagent quelque chose de puissant. Nous avons déjà faits 5 ouvrages ensemble, deux grands beaux livres cartonnés :
- Les hauts lieux de l’art équestre
- Le cadre noir de Saumur
Et trois autres ouvrages plus
petits sur :
- Le Cadre noir
- L'art du Manège
- Les sauts d'école
Ces derniers sont agrémentés de gravures, de clichés
d'archives et de nombreuses photos contemporaines. Ces trois livres permettent
de découvrir le Cadre Noir, des coulisses aux galas.
Une histoire de l'équitation
française
L'idée de ce livre est venue en 2011, lorsque l'équitation de
tradition française a été inscrite au patrimoine culturel immatériel de
l'humanité auprès de l'Unesco.
Connue et reconnue dans de nombreux pays, l'équitation française
est un art de monter à cheval basé sur l'harmonie entre le cavalier et sa
monture. Si les principes sont relativement clairs et précis pour un public
spécialisé, ce n’est pas forcément le cas pour un public plus large. Le but de
ce livre est de comprendre de quoi on parle quand on évoque l'équitation
française.
J'ai fait de nombreuses recherches à travers des livres, des
archives afin de répondre au mieux à cette attente.
Remontons un peu le temps.
Environ - 5000 avant Jésus Christ : le cheval est domestiqué.
Environ - 2500 avant Jésus Christ : les premiers cavaliers
apparaissent.
Jusqu’aù XVe siècle environ, l’équitation se résume à tenir à
cheval, à avancer, ralentir, tourner, avec des moyens plus ou moins
« costauds » en fonction des civilisations et des hommes.
A la fin du XV, début XVI siècle, ce sont les
guerres d'Italie. A Naples, les français découvrent une autre équitation. C'est
l'équitation espagnole : les chevaux sont mobiles, le cavalier se lève de la
selle, il pivote avec le cheval. Les chevaux espagnols ont une mobilité que les
chevaux français n'ont pas. En France, on chausse long, on s'amuse à la joute,
ce qui nécessite des armures et d’être bien calé dans sa selle. Cette mobilité du
cheval (que les français n’ont pas) est un véritable atout sur le champ de
bataille. Et c’est de cette problématique dont va s’emparer la Renaissance
italienne, déjà bouillonnante : comment faire pour que nos chevaux
obtiennent la même mobilité que les chevaux
espagnols ?
C’est ainsi que nait, d’abord en Italie, la
science de l’équitation.
Les premiers grands écuyers sont italiens mais
c’est en France, à partir du XVIe siècle, que cette recherche va prendre toute
son ampleur avec La Broue, Pluvinel, puis, le plus connu sans doute, François
Robichon de la Guérinière au XVIIIe siècle. C’est ce qu’on appellera
l’équitation classique.
En 1757, à la bataille de Rossbach,les
troupes franco impériales, malgré une supériorité écrasante en nombre
(54 000 contre 22 000) subissent une défaite cuisante face aux
Prussiens. En ce jour funeste, Frédéric II de Prusse révolutionne l’emploi des
chevaux, et par là même la guerre, en inventant une technique qui deviendra
redoutable : la charge de cavalerie.
L’armée française va alors
considérablement modifier – en les simplifiant - les méthodes de dressage du
cheval et de formation des cavaliers.Ce sont ces méthodes – et le besoin de
l’armée d’évaluer ses hommes et ses chevaux - qui donneront naissance, à partir
du milieu du XIX siècle environ, aux sports équestres modernes : les
courses, l’endurance, le concours du cheval d’armes (ancêtre du concours
complet), puis le dressage et le saut d’obstacles. La France sera aux premières manœuvres
dans tout cela, mais ce qui ne l’empêchera de voir de nombreux écuyers –
militaires ou civils – développer l’art équestre à des niveaux insoupçonnés à
l’époque. L’exemple le plus connu est celui de Francois Baucher, écuyer de cirque,
qui inventa une nouvelle méthode et des
exercices les plus divers comme le passage en arrière ou le changement de pied au
temps.
Ce sont ces courants et ces hommes qui
créeront l’équitation française. Et on attribue au général L’Hotte, élève et
ami de d’Aure et de Baucher, d’avoir écrit les principes de l’équitation
française dans son livre « Questions équestres ».
Mais il faut bien comprendre que l'équitation
française n’est pas figée et qu’elle continue d'évoluer. Plus que des principes,
elle est surtout une histoire en perpétuel mouvement.
A partir de la Deuxième Guerre Mondiale,
l’équitation se développe dans le monde civil, ce qui change un peu son visage ;
En 1952 aux JO d’Helsinki, et pour la première fois, des femmes participent à
la compétition ; en 1960, c’est le Tourisme équestre qui se développe (mon
père a d’ailleurs contribué à fonder l’ANTE – l’association nationale de
tourisme équestre) ; et puis en 1977, le mouvement poney décide de
privilégier l’enfant, et non la performance (une véritable révolution quand on
pense que c’est la performance qui est le principal moteur depuis 4500
ans !) ; à partir des années 80, l’arrivée massive des femmes va
aussi changer le visage de la pratique (ce sont elles qui portent, d’ailleurs,
« l’équitation éthologique »).
Tous ces changements, vont profondément affirmer
« l’esprit et la lettre » de l’équitation française, même si l’on
voit une tendance propre à l’histoire dans sa globalité – tendance
spécifiquement française – à privilégier l’harmonie entre le cheval et son
cavalier, la recherche du bien-être, etc.
Dans l'édition, il a fallu s'adapter car
aujourd'hui nos lecteurs - en grande
majorité des femmes - recherchent moins le côté technique que l'approche
éthologique et la relation d’une manière générale.
Tout ça pour vous dire que ce livre, Une histoire de l'équitation française, est destiné à un large
public. Il se lit facilement, comme un roman. Il est aussi merveilleusement mis
en image par Marine Oussedik, qui a travaillé plus d’un an sur ce projet, afin
de proposer des images à la fois techniquement et historiquement justes et
précises, artistiques (Marine est une grande artiste), et pédagogiques.
Vous avez mis en place le prix
Pégase et le prix cadre Noir, qu'est ce que c'est ?
J’ai créé
l’association en 1989, et le prix Pégase en 1990.
Aujourd’hui,
il s’agit d’une académie littéraire dont les buts sont :
- de promouvoir la connaissance du cheval
- de décerner le Prix Pégase et éventuellement le Prix spécial Cadre noi
- d’encourager les lettres
- de favoriser les relations entre les littérateurs dans le domaine du cheval et de l’équitation
Le prix
Pégase, récompense un ouvrage sur le cheval et l'équitation qui contribue à une
large diffusion de la culture équestre.
Le prix
spécial Cadre Noir récompense un ouvrage dont le travail s'adresse
essentiellement aux professionnels, aux hommes de métier, aux chercheurs
universitaires.
Nous nous
réunissons au mois de septembre pour élire les prix Pégase et spécial Cadre
Noir. Nous sommes entre 10 et 18. Nous débattons sur les ouvrages. Il arrive
qu'on soit tous d'accord du premier coup mais c'est assez rare ! La remise des prix s'effectue à l'Ecole Nationale d'Equitation lors des
Musicales du Cadre Noir et du salon international Art Cheval de Saumur.
En 2015, le prix Pégase 2015 a été remis à Madame Alexandra BESSON, pour la
traduction du livre Traité d'équitation pour
ma bien-aimée de R. Binding, paru aux éditions du Rocher, et le Prix
Spécial Cadre noir a été décerné à Jean-Louis Andreani pour son
livre La grande guerre à cheval, IFCE.
Merci à Guillaume Henry pour ces explications historiques passionnantes.
Découvrez les livres équestres des Editions Belin.
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