Portrait de la cavalière-voyageuse Lisa Delwiche
Lisa Delwiche, cavalière-voyageuse à la
rencontre de l’autre nous raconte son enfance, sa rencontre avec les chevaux, ses premiers voyages.
Lisa, voyageuse, au coeur de l'Amérique du Sud
A 34 ans,
Lisa Delwiche exerce un métier qui fait rêver bon nombre d’entre nous :
depuis bientôt trois ans, elle accompagne des cavaliers aux quatre coins de la
planète pour Cheval d’Aventure.
Sa spécialité ? Les zones les plus
reculées en Argentine, Mongolie, Tadjikistan… Suivez le guide ! Lisa Delwiche, jeune femme belge de 34 ans, a toujours
rêvé de voyages. Il n’y a encore pas si longtemps, elle n’aurait jamais imaginé
intégrer l’équipe de Cheval d’Aventure, la première agence française d’expéditions
équestres. Un poste qui fait rêver bon nombre de cavalières et qu’elle a décroché
grâce à son enthousiasme communicatif, mais aussi son parcours personnel, jugé
« très intéressant » par le
directeur Christophe Leservoisier.
C’est dans un club hippique de Belgique que Lisa
découvre l’équitation, vers 9 ans. Jusqu’à 16 ans environ, elle s’amuse beaucoup
à sortir de jeunes chevaux en CSO : « J’aimais
bien quand ça bougeait, le côté rodéo ! » A 17 ans, elle se voit
confier une jument Haflinger par une amie, partie en Afrique du Sud pour un an,
et s’enivre de grands galops, toute
seule et si possible en forêt : « J’aime
énormément les arbres, ils apportent une énergie spéciale. »
Après une année en Angleterre comme jeune fille au
pair, Lisa intègre un BTS de tourisme. Dès l’obtention de son diplôme, elle est
embauchée dans une entreprise d’organisation de tourisme d’affaires : « Très vite, je me suis dit que ce
n’était pas pour moi. Je me voyais plutôt comme une fille de terrain et j’avais
envie de voyager. » A 24 ans, « sur
un coup de tête », Lisa décide de partir en Amérique du Sud en tant
que bénévole pour une association de tourisme durable : « C’était quasiment la première fois que je
prenais l’avion ! Pendant six mois, je me suis retrouvée toute seule dans
la jungle chez les Kitchuas, une tribu d’Amérindiens du Campo Cocha. C’est une
communauté de 200 personnes, vivant sans eau courante ni électricité dans des
cabanes sur pilotis. » Lisa arpente la forêt primaire, apprend à
manier la machette, bivouaque sur une natte de palmes et découvre « la cosmovision des Indiens, pour
lesquels tout est relié : les plantes, les pierres, les humains… ».
A Campo Cocha, elle accueille des touristes désireux de voyager autrement : « J’avais trouvé une forme de tourisme
durable, responsable et respectueux des traditions qui me convenait. Au début,
c’était dur… Moi qui avais peur des araignées, à la fin je dormais avec une
mygale dans la cabane ! »Lisa reste un an en Equateur et n’oublie pas les
chevaux pour autant.
Dès que l’occasion se présente, elle se retrouve en
selle : « Je me faisais
prêter un cheval et je partais en montagne avec mes amis locaux, à la rencontre
des alpagas. Il y avait des bébés mais ils nous laissaient approcher parce que
nous étions à cheval, et non à pied. »
Toujours en quête de projets
éco-touristiques, la jeune femme continue en solo son périple sud-américain, notamment
grâce au « couch surfing », un service d’hébergement temporaire et
gratuit qui lui permet de « voir les
choses de l’intérieur » : Pérou, Bolivie, Chili, Argentine, Paraguay,
Uruguay, Brésil… Lisa progresse énormément en espagnol, « ma langue de cœur, que je parle maintenant mieux que l’anglais.»
Pour gagner sa vie, elle rentre chaque hiver en Europe, notamment en Suisse pour
faire des saisons en tant que monitrice de ski, mais repart dès que possible en
Amérique du Sud.
Et puis, au bout de dix ans de vie nomade, Lisa décide
de se fixer : « J’étais en plein
questionnement intérieur, j’en avais assez de ne jamais savoir ce que je ferais
dans un mois. J’avais envie de travailler pour une entreprise de tourisme
durable, avec des valeurs proches des miennes, et de continuer à voyager. »
Le déclic a lieu grâce à une rando équestre en Corse avec Cheval d’Aventure, que lui
offre sa meilleure amie : « Moi
qui avais toujours voyagé en routarde, j’étais un peu sceptique… Le tourisme organisé, ce n’était pas mon
truc ! Mais le guide était super et c’était certes organisé, mais très
nature en même temps.
Ca m’a donné envie de postuler à l’agence. »Séduit par son parcours atypique et son côté « baroude »,
Christophe Leservoisier embauche Lisa en mai 2013. « Il savait que j’avais accompagné des gens dans la jungle, que j’étais débrouillarde...
Ce qui compte pour obtenir un poste comme celui-là, c’est plus l’expérience, le
bagage de vie (et les langues, bien sûr) que le CV. » Christophe attribue
à Lisa les zones d’Asie Centrale et d’Amérique latine : « Ce sont des régions très sauvages, isolées,
où le bivouac est la seule possibilité. Ca réunit tous les éléments du voyage
que j’aime, hors des sentiers battus et du tourisme de masse : l’immersion
profonde dans la nature, la découverte d’une autre culture équestre et la
rencontre avec les habitants. »
Lisa, "conseiller productrice" en voyage équestre
L’intitulé exact du poste de Lisa est
« conseiller productrice », car il conjugue deux aspects : le
conseil et la vente des voyages, d’une part, et la création de nouvelles
randonnées, d’autre part. « Sachez-le,
les guides de Cheval d’Aventure ne sont pas toujours partis ! Nous sommes à
90% du temps au bureau. Il y a tout un travail en amont : négocier les
prix, créer les dates, choisir les photos…
Il faut conseiller les personnes intéressées en fonction de leurs
attentes, leur budget, leur niveau équestre… Il faut aussi leur expliquer l’esprit de
Cheval d’Aventure, et leur déconseiller le voyage s’ils ne partagent pas nos
valeurs ! »
Lisa sait de quoi elle parle : certains cavaliers
ont du mal à s’adapter. « Pour moi,
le voyage c’est un échange, la rencontre d’une autre culture. Il faut être très
souple et très ouvert. En Mongolie ou en Argentine, par exemple, les gens sont
plus durs avec les chevaux. Mon rôle est d’aider les cavaliers à l’accepter !
Inversement, il consiste aussi à faire comprendre aux guides et éleveurs locaux
que nous refusons de monter un cheval blessé ou boiteux. C’est très
délicat.»
Surtout en tant que femme, dans des pays où elles
n’ont guère voix au chapitre ! « En
France, je suis plutôt « rentre-dedans ». Mais dans certains pays
d’Asie, il faut vraiment que j’y aille avec beaucoup de tact, sinon les gens se
ferment. J’arrive toujours à présenter les choses de telle sorte que ça passe
bien. Sans élever la voix, en utilisant de l’humour ou une voie détournée…
C’est toute une psychologie !»Et c’est aussi l’un de ses points forts : Lisa sait
trouver les mots justes, y compris avec les cavaliers qu’elle accompagne. « Mon rôle, c’est l’humain… Un voyage
équestre est physiquement éprouvant, au bout de quelques jours la fatigue se
fait sentir et il peut y avoir des petites tensions. Je suis d’un naturel
positif, j’essaye toujours de désamorcer. Par exemple, je montre le paysage en
disant « regarde où on est ! » Alors la personne se rend compte
qu’elle se prend la tête pour rien. »
Si le rôle de Lisa n’est pas de guider la randonnée au
sens propre (il y a toujours un guide local), elle est là pour « être à l’écoute et rassurer, car les
gens sont un peu perdus quand ils n’ont plus leurs repères.» Mais aussi
pour créer des échanges, faire le lien entre les voyageurs et les habitants - en
passant par le guide-interprète, qui fait office de passerelle culturelle. « Ce qui me tient à cœur, c’est de
stimuler les cavaliers, les pousser à poser des questions pour enrichir leur voyage.
Je veux qu’ils soient participatifs et acteurs de leur randonnée, qu’ils se
déconnectent au maximum (montre et portable au fond du sac !), et qu’ils
en reviennent changés. »
Et comment ne pas revenir changé d’un voyage en
Mongolie, en Argentine, en Islande, au Botswana ou au Tadjikistan - les
dernières destinations que Lisa a accompagnées ? Des paysages sublimes,
des rencontres humaines qui vous « bousculent », des galops
inoubliables sur de vastes territoires vierges, entre ciel et terre...
« J’avoue que je n’ai plus jamais vu un
manège, confie Lisa. Ce qui me plaît
dans la randonnée équestre, c’est la communion avec la nature, pouvoir respirer, être en
harmonie avec l’environnement, sans entendre un seul bruit de voiture… Le
cheval est idéal, c’est lui qui nous permet de vivre ces moments à la fois
simples et grandioses au cœur même de la nature. » A chaque voyage,
Lisa s’attache au cheval qui lui a été confié : « En rando, un lien très fort se crée. Nous
sommes quand même en moyenne 5 à 8 heures par jour en selle ! »
Ouverture d'itinéraires équestres
Récemment, Lisa s’est rendue seule en Patagonie pour élaborer
une nouvelle randonnée : « Là,
c’est la partie « productrice » de mon poste ! Pendant trois semaines
j’ai fait des repérages, rencontré des gens pour établir un partenariat, voir
les chevaux qu’ils nous proposent, etc. » Une fois le programme de
la rando établi, Lisa la mettra au
catalogue en précisant bien qu’il s’agit d’une
« ouverture d’itinéraire » réservée aux cavaliers
aventuriers : « Ils doivent
être d’accord pour tester une nouvelle randonnée au bout du monde, avec tous
les imprévus que cela suppose. Plus que jamais, ils doivent avoir un esprit
ouvert. » Lisa avoue adorer les ouvertures d’itinéraire : « Ca correspond bien à mon tempérament,
car il y a vraiment un esprit « expédition ». Celle que j’ai faite
cet été au Tadjikistan s’est déroulée en bivouac et autonomie complète, avec
des chevaux de bât. En plein Pamir oriental, entre 4000 et 5000 mètres d’altitude ! »
D’autres ouvertures se profilent à l’horizon : Cuba, Népal… « Les voyages, c’est ça qui me
pousse », résume-t-elle.
Rien d’étonnant à ce que Lisa, qui vit à Lyon toute
l’année, quitte la ville au moindre jour de congé : « J’appartiens à la nature. Le week-end, je
vais parfois monter à cheval chez des amis dans le Vercors. » Quant à ses
cinq semaines de congé annuelles, elle les consacre… à voyager ! Voilà pourquoi, pour l’instant, Lisa n’envisage pas
d’avoir un cheval à elle : « J’attache
beaucoup d’importance à la qualité de vie des animaux. Si c’est pour mettre mon
cheval dans un pré et ne jamais le voir, ce n’est pas la peine. Le jour venu,
je veux avoir du temps à lui consacrer et lui fournir un environnement
propice. »
Texte : Natalie Pilley-Mirande
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